Bonne nouvelle pour ces dames, les hommes de ma génération
vont pouvoir passer leur crise de la quarantaine sans vider leur compte épargne
pour s'acheter une Porsche. En effet, il n'y a pas que dans la musique que les
années 80 font leur come back. Dans l'automobile également avec l'apparition des
youngtimers, les "jeunes anciennes". Apparu en Allemagne il y a quelques années,
le terme youngtimers désigne les voitures des années 70 à 90 qui deviennent des
collectors, par opposition aux oldtimers qui sont déjà collectionnées. En
France, ce courant a été légitimé en début d'année par l'entrée des youngtimers
à Rétromobile (qui n'en avait guère besoin au vu d'un espace d'exposition déjà
étriqué). Reste à voir si comme en Allemagne les constructeurs français vont
suivre en approvisionnant le marché des pièces détachées ou si tout reposera sur
les clubs. Car la plupart des youngtimers sont encore dans une phase
intermédiaire, un tri étant nécessaire entre les beaux modèles entretenus et les
épaves roulantes. Leur principal intérêt est toutefois de pouvoir rouler décalé
pour des sommes raisonnables.
La vie est parfois faite de pièces de puzzle qui s'emboitent parfaitement.
Jeudi, je déjeune avec Olivier qui m'indique deux spots potentiels qu'il a
identifié pour des shootings sur Besançon. Vendredi je croise une F430 blanche
du Doubs totalement inconnue. J'envoie un mail à Fouinnasse pour lui demander
s'il la connait. Négatif mais il me dit qu'il touche une 205 GTI le lendemain et
qu'il aimerait qu'on en fasse quelques photos. Je propose le dimanche, et c'est
parti.
Reste ensuite la question de la publication ou non sur le site. J'ai pris la
décision de publier un court reportage pour plusieurs raisons. D'abord parce que
les photos sont plutôt réussies, et aussi suite aux réactions positives que j'ai
constatées en live (ci dessous) ou sur Facebook. La photo que j'ai mise sur
Flickr a d'ailleurs rapidement recueilli plus de vues qu'une image de Maserati
MC12. Apparemment, la 205 GTI reste chère au cœur de nombreux lecteurs. C'est
notre madeleine de Proust à nous, les presque vieux.
Dimanche midi, je file en reconnaissance au premier spot prévu, un long préau
situé sur un parking en bordure du centre ville. Effectivement, il y a au fond
de l'esplanade en gravier une cinquantaine de mètres de graffitis sous une sorte
de préau constellé de morceaux de verre et de bouts de bois calcinés. Le thème
est inscrit en toute lettres sous la silhouette d'un célèbre château: "Walt
Disney Bitches". Au moins, le ton est donné. Je ne suis pas très impressionné
mais Fred qui est venu voir quelques minutes avant est d'accord pour commencer
là. Rendez vous est fixé pour 16h30.
A l'heure dite, nous nous retrouvons donc sur ce spot encore
inédit. Comme toute les voitures de Fouinnasse (voir les liens en bas de cette
page), sa 205 GTI 1.9 de 1992 est impeccable. Le bleu Miami est superbe, la
voiture a toutefois été repeinte depuis l'origine. Elle est par contre chaussée
de jantes PTS Speedline que je n'avais jamais vues mais qui faisaient partie du
catalogue Peugeot à l'époque. Malgré une finition diamant séduisante, je dois
dire que la 205 GTI de mes souvenirs ne correspond pas à celle ci. Qu'importe.
Honnêtement, je trouve ce spot un peu sordide et je ne compte pas m'y attarder.
Et paradoxalement, mes photos préférées du shooting vont être prises dans ces
premières minutes.
J'installe la voiture de profil devant le dessin qui me séduit le plus, une
petite sirène aux forts accents de comics US. Deux flashs commandés à distance
vont venir éclairer le graf. En tout cas, c'est l'idée. Le premier essai est un
peu violent, mais pourquoi pas?
Evidemment, mon modèle est situé juste derrière un poteau qui m'empêche de la
prendre de face en entier. J'opte donc pour une approche un peu différente, en
trompe l'œil, pour en faire une conductrice très désirable (désolé Fred). Les
flashs sont toujours sur elle.
Puis je prends un peu de recul pour me mettre délibérément à contre jour. Je
veux voir dans quelle mesure j'arrive à "déboucher" la voiture avec les flashs.
Le résultat est plutôt satisfaisant même si le développement du RAW participe au
résultat final.
Sur celle ci, j'ai fait exprès de forcer un filtre dégradé de luminosité sur la
partie haute de l'image pour donner l'impression que le rayon de soleil illumine
directement le tag. Vous me direz si c'est réussi.
Encore une vue et c'est déjà fini. En plus de visualiser le cadrage, le
photographe doit aussi se projeter dans le post traitement. Si je l'avais fait,
nous serions peut être restés un peu plus longtemps à cet endroit. Ou pas.
Nous prenons ensuite le chemin du Fort de Bregille, qui pour le coup n'est pas
inédit du tout puisque j'y ai déjà shooté une
Ferrari 355 et la paire de
Boxsters. Cela dit, le panorama
sur la ville est complètement à contre jour, il va donc falloir trouver autre
chose. Comme un simple bout de pelouse pour commencer.
Le soleil rasant de l'automne ne plaisante pas avec la définition du contre
jour: c'est du vrai. On peut faire un genre de clair obscur...
ou tenter d'éclairer le sujet au flash (avec un bon boost en RAW en même temps).
La netteté n'est pas vraiment satisfaisante sur celle ci. En fait, je me demande
si je ne devrais pas utiliser davantage le trépied en shooting, même en plein
soleil, pour obtenir une netteté maximale qui n'est pas toujours au rendez vous.
Pas forcément pour tous les angles de vue, qui perdraient en variété mais au
moins pour les plus classiques.
Au pied du mur, c'est le moment de s'intéresser de plus près à cette petite
bombinette. Peugeot commence à commercialiser la 205 en 1983 et c'est dès
l'année suivante que la GTI 1.6 de 105 chevaux voit le jour. Fin décembre 1986,
elle est supplantée par la version 1.9 de 130 chevaux qui sera produite jusqu'en
1993, les derniers exemplaires étant muselés par le pot catalytique (122
chevaux). L'exemplaire ici présent, de juillet 1992, est l'un des derniers non
catalysés produit.
Après la crise pétrolière de 1973, beaucoup de voitures puissantes sont
reléguées aux oubliettes, trop gourmandes en carburant. C'est Volkswagen qui
comprend le premier qu'un modèle performant reste indispensable pour conserver
une image dynamique et sportive. La marque allemande crée alors le sigle qui
résonnera tout au long des années 80: GTI. Peugeot se lance dans l'arène avec
une version assez discrète de sa petite voiture: légers élargisseurs d'ailes en
plastique noir, liseré rouge qui parcourt la caisse au milieu d'un épais bandeau
latéral et spoiler avant couleur carrosserie (ainsi qu'à l'arrière) incrusté de
longues-portées. Celle ci est particulièrement impressionnante quand on la suit
dans la circulation car elle est montée en 195/50/15 (au lieu de 185/55) sur les
fameuses jantes Peugeot Talbot Sport Groupe A en option. Elle méritera juste un
amortissement un peu plus bas à l'arrière pour être parfaite.
Certains aspects de finition laissent un peu à désirer.
Le précédent propriétaire a fait repeindre (maladroitement) les plastiques sur
la custode, effaçant les lettres magiques: GTI 1.9. Connaissant Fred et sa
passion du "full stock", nul doute que l'erreur sera bien vite réparée.
L'intérieur n'est pas spécialement séduisant, malgré cette teinte bi-ton et des
sièges semi cuir.
Le tableau de bord se limite au strict minimum.
Au moins, le volant annonce la couleur.
La tenue de route exceptionnelle de la 205 en a rapidement fait la reine des GTI,
tandis que sa sœur Turbo 16 régnait sur les rallyes. Aujourd'hui sa puissance de
130 chevaux peut sembler un peu juste pour une sportive mais à l'époque elle ne
s'embarrassait pas de fioritures, ce qui permettait de maintenir le poids sous
les 900 kilos.
Je ne sais pas ce que les plus jeunes peuvent ressentir face à cette voiture
mais quand on a vécu avec la 205, cette version agressive reste fort séduisante.
D'autant plus qu'aujourd'hui, les vraies sportives se font rares en France, à
l'exception marginale des Mégane RS.
Pour la suite, je souhaite réitérer la tentative de capot transparent que
j'avais essayée à l'arrache avec la
599 GTO à Maranello. C'est sûr que le quatre cylindres n'a pas la même
présence que le V12 italien mais il s'agit avant tout de valider le concept. Je
sors le trépied et monte sur une table de pique nique pour prendre un peu de
hauteur. C'est bien ainsi que ça doit être fait pour avoir le meilleur impact.
Tandis que je suis perché, un promeneur engage la conversation avec Fred.
De notre génération, il connait bien la voiture et s'étonne de l'excellent état
de celle ci. Comme quoi, il n'est pas nécessaire d'avoir une Ferrari pour que
l'automobile établisse des liens entre passionnés.
Fini pour ce spot. Pour terminer, nous nous dirigeons vers le quai de gare sur
lequel nous avions déjà photographié la
Modena. La zone est en travaux et
interdite au public. Cela dit, c'est dimanche et la grille est ouverte, alors
qu'est ce qu'on risque? Hélas, l'endroit n'est pas très photogénique: déception.
Le TGV aurait peut être pu être exploité sans cette grosse boite qui vient tout
gâcher devant.
Avant de partir, j'avise tout de même des bungalows de chantier tout blancs qui
pourraient faire un fond sympa.
Tandis que je shoote. Une voiture vient se garer près de nous. Je repère tout de
suite le gyrophare avant de lire l'inscription sur le coté: sûreté ferroviaire!
Les surveillants du chantier nous ont repéré de loin et ont décidé de venir voir
dès lors que nous avons disparu de leur champ de vision derrière les containers.
Heureusement, ils se montrent compréhensifs d'autant que l'un d'eux a possédé
une GTI dans sa jeunesse. Encore une fois, le charme de la youngtimer fonctionne
à plein. Avant de partir, l'agent mentionne quand même que notre incursion
aurait pu nous coûter 145 euros. Heureux de cet avertissement sans frais, nous
quittons rapidement les lieux. Ouf! Ca aurait été dommage de prendre une prune
pour un spot aussi peu intéressant.
Voilà, comme d'habitude, le shooting s'est décidé très rapidement, et c'est donc
déroulé sans préparation. Nous n'avons pas eu l'occasion de faire de dynamique
par exemple, et c'est déjà le moment de nous quitter, en attendant bien sûr la
prochaine Fouinnasse-mobile. J'espère que vous aurez apprécié cette "voiture
plaisir bon marché" et qu'elle vous aura peut être rappelé de bons souvenirs.
Pour moi en tout cas, ça a été le cas. Et en attendant l'Akylone, ça fait
toujours une petite française de plus sur le site.
Cette journée quasi parfaite aura hélas été gâchée dans ses toutes dernières minutes. En zappant sur Motors TV vers 22h30, je tombe sur de curieuses images de la finale de l'Indycar à Las Vegas. Une rapide recherche sur internet me montre les images d'un crash terrifiant impliquant quinze voitures: plusieurs d'entre elles ont été projetées en l'air avant d'être pulvérisées contre le muret. Au 12ème tour sur 200, la course est interrompue. A l'écran, plus le temps passe, plus les mines sont défaites, et la mauvaise nouvelle tombe juste avant minuit: Dan Wheldon, le champion en titre de l'Indy 500 n'a pas survécu à ses blessures. Je ne dirais pas que je suis assidument l'Indycar, hormis l'Indy 500 et quelques courses vues au hasard. Je n'ai pas vraiment de pilote préféré, alors que je supporte depuis longtemps Stewart en Nascar par exemple. J'aime le coté close combat de la Nascar mais j'ai toujours pensé que les courses ovales d'Indycar était le sport le plus effrayant qu'il m'ait été donné de regarder: ces courses de monoplaces en peloton à près de 360 km/h de moyenne relèvent de la folie pure, et ne peuvent qu'hypnotiser tout passionné de vitesse. Et même si il ne fait aucun doute que les Etats Unis ont une culture des sports mécaniques fort différente de celles des européens, il serait faux de dire que la sécurité n'est pas leur priorité. Certes les monoplaces sont plus rustiques que les F1 mais elles ont souvent démontré leur relative sécurité: Hans, crash box arrière, murs compressifs, l'Indycar ne relève pas des jeux du cirque pour spectateurs assoiffés de sang. Mais les américains veulent toujours en faire plus. Wheldon n'était pas engagé dans le championnat 2011. Ironie suprême, il testait les monoplaces 2012, spécialement étudiées pour éviter les engrenages de roues qui catapultent les voitures dans les airs. On lui a juste proposé de partir en dernière place derrière de nombreux rookies et de gagner cinq millions de dollars s'il parvenait à finir en tête. Le britannique, père de deux enfants de deux ans et six mois, vainqueur des 500 miles en 2005 et 2011, a payé de sa vie cette surenchère. Et comme les Etats Unis ont envers et contre tout le sens du show, les pilotes ont souhaité, dès la nouvelle annoncée, accomplir cinq tours d'honneur au son des cornemuses, sous les applaudissements des spectateurs. Un hommage futile mais qui me donne encore la chair de poule alors que j'écris ces lignes. Alors adieu Dan. Je ne sais pas qui tu étais mais sur toutes les photos que me renvoie Google Images, tu arbores un sourire sincère...
Et voilà comment je vais me coucher le cœur lourd pour la deuxième fois en deux jours.
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