L'an dernier, le Raid Suisse Paris était passé en plein cœur de Besançon mais j'étais en vacances sur la côte. Cette année, ce rallye historique passe de nouveau dans la région, à la Saline d'Arc et Senans, lieu très prisé de ce genre d'évènements puisqu'il a déjà accueilli le 40ème anniversaire des Ferrari 250 GTO, le Tour Auto ou le club Cavallino Rosso. Je donnerais cher pour mettre un lien sur le premier de ces évènements mais la machine qui le permettrait n'a pas encore été inventée. Mon épouse prend souvent un malin plaisir à me rappeler ce que j'aurais pu faire pendant mes années de célibat, alors qu'Arthomobiles n'existait pas. Les femmes savent aussi être cruelles. Il est d'autant plus paradoxal que je découvre le Raid pour la première fois cette année que la première édition a été lancée en 1991 à Marnay, tout près d'ici. Il s'agit donc cette année du vingtième anniversaire, et je ne sais pas du tout à quoi m'attendre.
Depuis 1997, le départ est donné depuis Bâle, précédé la veille d'un rassemblement et d'un concours d'élégance au parc des expositions de la ville. Le rallye (de régularité) parcourt ensuite environ un millier de kilomètres pour rejoindre Paris, en faisant la part belle au patrimoine culturel des régions traversées (est-ce que je vous ai parlé de la Citadelle Vauban de Besançon?). Cette année, 195 voitures sont au départ dont 27 d'avant guerre (la plus ancienne de 1925) et 45 voitures produites de 1945 à 1959. Le reste s'étale jusqu'à l'année 1975 avec quelques exceptions pour des marques disparues comme De Lorean (de 1985). Seules trois Ferrari sont engagées: une 308 GTS, une Dino 246 GT et une 275 GTB. Jaguar sera la marque la mieux représentée. Le programme est prometteur, et les organisateurs semblent sympathiques puisqu'ils m'ont envoyé sur simple demande l'itinéraire et les horaires du passage dans la région. L'arrivée est prévue aux Salines vers 17:00 et les voitures se succèderont pendant deux heures environ.
J'arrive à Arc et Senans à 16:30 où je retrouve Stéphane et Nicolas, les deux autres spotters actifs des environs. Quelques spectateurs font également leur apparition, notamment dans cette Jaguar, mais ils sont rares, le rallye a décidé de passer en toute discrétion.
Maintenant la question est de savoir par où les voitures vont passer. Je me suis garé sur l'arrière des bâtiments en supposant que le principe serait le même que pour le Tour Auto. Les commissaires installent progressivement leur check point, c'est donc bien çà. Une Porsche 356 est déjà là, avec un peu d'avance.
Nous rencontrons le directeur de la Saline, qui est porteur d'excellentes nouvelles: tout d'abord les concurrents vont observer un arrêt rafraichissement dans l'enceinte, et il est disposé à nous laisser entrer gratuitement pour suivre les concurrents. Tout est parfait donc. Alors qu'avec l'exactitude d'une montre Suisse le premier concurrent arrive à l'heure prévue, une dernière bonne surprise: certaines voitures pourront se garer dans le très photogénique arc de cercle, et non uniquement sur l'arrière comme le fait le Tour par exemple. Les photos ne devraient en être que plus belles.
Pour ce mois d'août, Arthomobiles aura aussi joué le rôle de guide touristique puisque la Saline est le deuxième site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO que je vous fais visiter en quelques semaines. Manufacture royale du XVIIIe siècle, la Saline d’Arc et Senans fut conçue par le célèbre architecte, Claude-Nicolas Ledoux. Cette manufacture était destinée à transformer des saumures, eaux très faiblement salées, afin d’en restituer le sel. Depuis des siècles, cette transformation se faisait à Salins, dans le Jura, mais au XVIIème siècle, une pénurie de bois allait imposer un changement de site. C’est le bois de l’immense Forêt Royale de Chaux (22 000 ha) qui allait permettre de cuire, évaporer et transformer la saumure. De plus, grâce à de grands axes de circulation, il était possible de livrer les commandes passées avec les voisins suisses et la Bourgogne. Il était également possible d'exploiter les grands vents du nord pour donner à la saumure, avant cuisson, une concentration bien plus élevée, tout simplement par évaporation naturelle.
Vous aurez remarqué la parfaite symétrie du demi cercle, la très statutaire maison du directeur et ses colonnades encadrées par les deux immenses bâtiments de production, les bernes. Les cinq autres bâtiments strictement identiques sont les logements des occupants, séparés les uns des autres afin d’éviter la propagation des incendies qui pouvaient être provoqués par les fours. A chaque extrémité des bernes se trouvent les maisons carrées des commis. Franchement, c'est une architecture merveilleuse.
Voici la plus ancienne du plateau qui pointe son nez, une Sunbeam 20/06 de 1925.
Suivie d'une Ford A de 1930.
Deux voitures de course, une Riley Nine Ulster et une Alvis Speed 20.
Cette superbe Bentley Le Mans est déjà installée.
et une seconde un peu plus loin.
Vous savez que je ne suis pas fan des voitures d'avant guerre mais elles se marient très bien avec les vieilles pierres, à l'image de cette Riley TT Sprite. Ca commence très bien!
Je reviens ensuite vers l'entrée pour surveiller l'entrée des concurrents qui vont s'installer sur l'arrière, comme cette imposante Triumph Roadster 1800 de 1946.
Voici une BMW 328 inhabituelle, en tout par rapport à celles que j'ai l'habitude de voir, une Wendler Sportcabriolet. Malgré son appellation, elle est plus cossue que les 328 de course.
Une des Bentley prend déjà la route de Dijon où se tiendra l'étape. Je sais que cette photo va à l'encontre de toutes les règles de composition, mais j'avais mes raisons.
Le plateau est des plus varié. On passe de la Mercedes 300SL
à la Fiat 1100
et la Jaguar Type C. Je me garderai évidemment bien de me prononcer sur l'authenticité de celle ci.
Jaguar toujours, une XK 120.
Puis deux monstres, une Bentley 4 1/4 et une Packard 120 Six
à coté desquelles cette Cisitalia 202SC fait figure de pygmée.
Une spectaculaire Bugatti 57C Ventoux
Certains gentlemen drivers ont fait un effort particulier pour se mettre au diapason de leurs voitures (hormis le téléphone portable, d'accord). L'écharpe est d'autant plus méritoire que la chaleur est étouffante.
Les arrivées se succèdent toujours à un rythme soutenu: Mercedes Benz 220, Austin Healey 100M
Oldsmobile Sedan et une rare BMW 503 Cabriolet, puisque seulement 139 exemplaires ont été produits. Elle est propulsée par le V8 3.2L de la 502 et est présentée en 1955 en même temps que la 507, au design plus remarquable.
La Bugatti et la 328 prennent congé
tandis que cette Jensen Interceptor III arrive,
à la recherche d'une place à l'ombre pour laisser refroidir le moteur et le cuir. L'Interceptor décapotable a été produite à 267 exemplaires. Elle est propulsée par un impressionnant V8 Chrysler de 7.2 litres. Le soleil baisse mais reste impitoyable.
Ah! voici deux des Ferrari, la Dino 246 GT, elle aussi à la recherche d'ombre
et la 308 GTS.
Bien entendu, l'organisation a prévu une assistance mécanique, qui ne semble pas superflue pour la Dino qui connait quelques soucis. A vue de nez, l'accès au six cylindres n'est pas des plus aisé.
A 18:00, le soleil se dirige doucement vers l'horizon et la lumière commence à prendre une meilleure qualité, plus chaude.
Mais le contre jour devient imparable quand la voiture arrive du mauvais coté, comme cette 911 Speedster 3.2 qui se distingue par un pare brise très bas et un bossage en polyester qui condamne les places arrières. (2100 exemplaires, ce qui est très peu pour une Porsche).
Au photographe de se positionner judicieusement. Cette Corvette m'offre une des plus belles photos de la journée, même si ce n'est pas le modèle que j'aurais choisi si j'avais pu.
Le chassé croisé se poursuit entre les départs,
et les nouveaux arrivants.
Pendant ce temps là, certains tentent de faire refroidir les mécaniques surchauffées
Le parking se renouvelle sans cesse: Rolls Royce Silver Cloud II, Bentley Continental,
Chevrolet Impala, Maserati 3500 GTiS Sebring
Je reviens progressivement vers l'entrée, en remontant les épis. Je passe devant cette Mustang Convertible
et cette Corvette Sting Ray
Cette Lancia Flaminia GTL Touring éclipse littéralement la minuscule Lotus Elan, ce qui ne doit pas être le cas sur la route.
Le rallye est ouvert à tous ceux qui peuvent (et souhaitent) s'acquitter des frais d'inscription de 2700 euros. Parfois, on se demande si l'inscription ne vaut pas plus cher que la voiture. Mais ce serait sûrement être mauvais langue car toutes les voitures m'ont semblé être dans un état irréprochable.
Le ballet des concurrents se poursuit. L'allée est ensoleillée mais en léger contrejour, ce qui provoque des éclats de lumière sur les carrosserie. Heureusement, le filtre polarisant arrive à en gérer la plupart.
Ah tiens, une mignonne petite Lancia Fulvia
Et voici la 275 GTB, la voiture que j'attendais le plus aujourd'hui. Je la prends dans l'allée qui longe le mur puis sprinte pour me placer dans la perpendiculaire. Le conducteur obéit gentiment à mon geste de stopper le temps que je prenne assez de recul pour utiliser le 70-200. Merci!
Petit jonglage pour attraper le 10-22 et je pars à sa poursuite.
Les meilleurs emplacements ont été pris par cette Peugeot 304.
Il faut dire qu'elle n'est pas prise d'assaut. Les touristes de la Saline sont bien entendu attirés et il y a certainement deux cents personnes des équipages qui gravitent autour des voitures. Il va falloir être très patient pour avoir une vue dégagée de la 275. Je me mets à l'affut. Tandis que j'attends, une personne m'aborde et me demande si je suis Nicolas. Bingo! Olivier a découvert le site récemment et nous avions convenu de nous rencontrer début septembre pour faire connaissance. C'est donc fait. Il m'a reconnu à l'extravagance du matériel. Cependant, l'autre Nicolas présent est également équipé aujourd'hui de deux boitiers, ce qui aurait pu donner lieu à une confusion assez cocasse. Voilà l'instant tant attendu:
J'ai dit que je voulais prendre des photos avec des gens dessus mais ce sera pour une prochaine fois, plutôt sur une pitlane.
La 275 GTB est l'une des voitures les plus communes du Tour Auto chaque année, et je la délaisse souvent au profit des châssis courts et des GTO. Aujourd'hui, quatre mois plus tard, c'est une fête d'en découvrir une seule, ce qui me donne le temps de m'occuper d'elle sous tous les angles, comme il convient. La quantité est souvent l'ennemi du bien.
Voiture exceptionnelle, décor sublime, c'est l'extase.
Avec la distorsion due aux 13mm, la GTB prend des allures de Lusso. J'ai dit une bêtise?
Luxe.
Mais ma foi, cette Cox décapotable doit déjà offrir bien des plaisirs, cheveux au vent.
Je discute longuement avec Olivier, qui est très connaisseur et passionné. Un vrai plaisir! Hélas, je crains d'avoir loupé sa 911 parmi les mille et quelques présentes au Mans Classic. Nous sommes tous les deux scotchés par cette Monteverdi 375L High Speed. Si il y a une voiture qui a sa place dans ce raid, c'est bien elle. La robe de cette Grand Tourisme est dessinée par Frua, construite par Fissore et abrite un V8 Chrysler de 7 litres de 390 chevaux. Elle a un petit air de DBS de face mais elle est beaucoup plus effilée sur l'arrière.
La voiture semble offrir quatre vraies places. Je n'ai pas trouvé de chiffres de production. Apparemment, la gamme assez variée des 375 (Sedan, L, S ou convertible) fut produite a environ 3700 exemplaires. On notera pour l'anecdote que tout comme Lamborghini, l'existence de Monterverdi est due à un certain manque de courtoisie de la part d'Enzo Ferrari. Comme quoi, parfois l'arrogance peut avoir des conséquences positives. Je vous déconseille tout de même d'essayer chez vous. Quoiqu'il en soit, on est ici dans le pur exotisme car ce genre de rencontres est extrêmement rare.
Les aficionados d'Alfa auront bien sûr noté la présence de cette Montréal verte, modèle dessiné par Marcello Gandini pour Bertone. La voiture doit son nom à sa présentation à l'Exposition Universelle de Montréal de 1967. Contrairement à ce que peuvent laisser penser les prises d'air à l'arrière, le V8 de 2.6L est placé à l'avant. Il s'agit d'une adaptation directe du moteur 2 litres de l'Afla 33 compétition. Ses 200 chevaux sont largement suffisants pour propulser efficacement les 1270 kg de la bête.
18:45, je commence à surveiller le chronomètre pour respecter ma promesse de retour pour le bain. La 275 GTB prend congé,
accompagnée de quelques autres
dont cette 911 qui plait tout particulièrement à Olivier. Logique, c'est un Porschiste (mais non, ce n'est pas un gros mot).
La lumière est toujours propice mais le soleil quitte doucement la cour lui aussi.
Voici la De Lorean qui arrive. Le camion d'assistance se précipite sur elle. Le liquide de refroidissement est sur le point de se mette à bouillir. Fin de la route?
Malgré tous ses défauts, la voiture a toujours énormément de succès auprès des spectateurs, et pas seulement pour ses spectaculaires portes papillons. Le placement de produit dans la trilogie "Retour vers le futur" a assuré la légende de cette voiture qui serait sûrement tombée dans l'oubli sans çà. Cela dit, sa carrosserie en acier brossé a du chien, même si l'entretien doit être un cauchemar.
La Monteverdi quitte la cour, et je lui emboite le pas.
Ouch, une bonne trentaine de nouvelles voitures est garée sur l'arrière. Je vais prendre un peu de retard, même en faisant une sélection drastique. Je m'arrête sur ces BMW, 2002 T II et 633 CSI
et sur cette superbe Maserati Ghibli jaune.
Voici une Saab Sonett III, une voiture de sport biplace équipée d'un moteur Ford V4 de 1500 cm3 et 65 chevaux, à l'esthétique très particulière. Les phares rétractables sont relevés manuellement par une manivelle.
Je me retourne juste pour attraper cette VW Karmann Ghia
Je poursuis en passant devant cette mignonne Alfa Romeo Giulietta Sprint Zagato (SZ) toute ronde. La voiture ne développe que 100 chevaux mais son poids de 750 kilos (grâce à une carrosserie en aluminium) lui permets d'atteindre les 215 km/h. Seuls 200 exemplaires auront été produits entre 1960 et 1962.
et cette Dodge Challenger R/T. Cette version Hemi 426 de 425 chevaux est assez rare car l'option était assez coûteuse à l'époque.
J'ai été très intrigué par cette Bentley Donington Special aux airs de hot rod. En 1970, une société anglaise, Jonhard Vintage cars, re-carrossa 16 Bentley Mk VI en roadster, avec l'approbation de Bentley. Vraiment très spéciale, cette voiture est sûrement la plus rare du Raid.
Je reviens rapidement en arrière pour jeter un œil sur cette voiture qui m'intrigue: une Alfa Romeo 6C 2500 SS Corsa. Une réplique bien évidemment, aucune Corsa Spider originale n'ayant survécu.
Allez, vite vite, direction la sortie. Un dernier regard sur ce lieu extraordinaire qui offre un potentiel absolument énorme pour un shooting. Mais une séance privée dans un monument classé à l'Unesco, çà reste à voir, même si le directeur à l'air très sympathique et ouvert.
En revenant à ma voiture, je croise de nouveau la Fulvia devant un bâtiment qui se prêterait bien aussi aux photos, mais pas pour une voiture rouge.
Dernier cliché avant de poser l'appareil définitivement. Certains concurrents arrivent seulement.
J'arrive à la maison avec seulement un quart d'heure de retard: le contrat est rempli! L'après midi aura été très agréable, avec de nombreuses voitures de tous types et un cadre enchanteur. Le fait de ne pas avoir trop de modèles mythiques est un avantage pour ne pas avoir la pression et travailler en toute sérénité. Non pas que je me plaigne des plateaux sublimes de Peter Auto mais il faut de tout. En tout cas, j'inscris le Raid Suisse Paris sur mon calendrier et je le retrouverai avec plaisir l'an prochain si nous ne sommes pas en villégiature à cette période.
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