La naissance d'un nouvel évènement est toujours un moment particulier. Un peu moins de trois ans après que Peter Auto ait créé son Concours d'Elégance, un petit nouveau se lance sur les rives hospitalières du Lac Léman. Mathias Doutreleau, le fondateur de l'évènement "The Quail, a motorsport gathering" à Monterey, a décidé de faire revivre le Concours d'Elégance de Genève qui s'est tenu de 1924 à 1954. La Suisse regorgeant de collections automobiles prestigieuses, on peut s'attendre au meilleur mais l'organisation a choisi de ne pas communiquer sur sa liste d'engagés jusqu'au jour J. Un black out complet qui est rarement de bon augure: la Villa d'Este en a fait autant cette année pour déboucher sur un plateau qui n'était pas le meilleur de son histoire, loin de là. Autre point étrange, le lieu du concours a été changé à moins d'un mois de l'échéance, passant du Château de Bonmont au Château de Coppet. Bref c'est la grande inconnue de cette année 2016. Qui plus est, le calendrier de printemps est toujours chargé et la date choisie est la même que pour les 24 Heures du Mans et le Vernasca Silver Flag. Les passionnés d'automobiles sont bien occupés ce weekend. Pour ma part, j'ai choisi la facilité en privilégiant l'évènement le plus proche de chez moi, à deux heures de route. L'absence de communication sur le plateau fait que je ne m'attends à rien d'explosif donc je suis sûr de ne pas être déçu.
Le concours va se dérouler sur deux jours: le samedi, les concurrents seront invités à prendre part à un rallye de 09h00 à 11h00, entre lac et vignobles, puis l'après midi sera réservée aux privilégiés et aux médias. Le dimanche sera jour d'ouverture au public. Ca me va très bien comme ça. Si j'ai apprécié la pluie au Grand Prix de l'Age d'Or, il serait préférable de l'éviter pour un concours sur pelouse mais la météo n'incite guère à l'optimisme. Partant de ce principe, je ne me mets pas la pression pour couvrir le rallye et démarre de chez moi tranquillement vers 8h30. En 180 kilomètres, je dois passer devant au moins huit radars fixes ou tronçons, c'est de la folie.
Le GPS m'annonce une arrivée pour 10h45. Je décide donc d'aller directement au château et d'attendre le retour du Rallye à proximité. Je parviens à me garer dans un chemin juste en face du château, c'est parfait. En plus l'accueil média est déjà ouvert donc je peux entrer immédiatement dans l'enceinte. C'est parfait aussi. La pelouse est de taille respectable, légèrement en pente avec un bassin rond et une fontaine au milieu. En bas de la pente se trouve le Château, de taille tellement modeste qu'il est en bonne partie occulté par la tente d'hospitalité installée devant. Le cadre n'est pas spectaculaire comme l'Abbaye de Cluny mais sympathique et bucolique.
Pour le moment, assez peu de voitures sont présentes et je retrouve
Florent qui me donne quelques
infos sur l'avancement du rallye. Il nous reste un peu de temps pour
photographier cette F40.
Les partenaires de l'évènement ont eux aussi apporté quelques modèles, comme
cette Lusso, châssis 5239GT.
Je me détourne de celle ci dès que j'ai confirmation qu'il s'agit d'une GTE
sacrifiée.
Une première Miura fait son entrée.
Puis une impressionnante Aston Martin V600 LM, qui va se garer au niveau de
l'exposition supercars.
Elle sera juste à côté de la Pagani Zonda de Tiziano Carugati.
Et voilà.
La V600 est la version extrême de la V8 Virage, avec une
double suralimentation pour monter à 600 chevaux. Quarante exemplaires furent
fabriqués, pour fêter les 40 ans de la victoire de la marque au Mans en 1959.
Les LM furent les dernières Aston construites à la main.
Une Hispano Suiza vient d'arriver à son tour.
Cette Chevron B8 est juste en démo.
D'autres voitures de partenaires:
Je vais profiter de la Miura pendant qu'il n'y a pas grand monde.
En voici une deuxième.
J'espère que vous aimez les Miura car, à mes yeux, la classe qui leur est réservée sera l'attraction principale du concours donc vous allez certainement en voir beaucoup de photos.
Florent me dit que les participants au rallye ne vont pas tarder et qu'ils doivent passer à l'enregistrement dans un parc voisin du château. Allons voir ça. Un coup d'œil sur cette Lancia Aurelia B20 avant.
En chemin, c'est à dire moins de 150 mètres, je croise un participant et un touriste.
Et voilà l'endroit.
Une longue allée boisée face à l'ancienne demeure de Madame de Staël.
Une tente est installée où les participants viennent retirer leurs documents.
Une troisième Miura!
Je me dirige vers la longue allée d'arbres pour attendre les prochains arrivants, qui ne tardent pas. Les traditionnelles Rolls-Royce
Autre habituée des concours, une Mercedes-Benz 300 SL
Une Chrysler et une Iso Grifo
Le défilé permet de se faire une première idée de la qualité du plateau.
Cette Toyota est l'une des voitures les plus atypiques.
Je vais essayer de faire quelques vues lors du transfert vers les pelouses.
La Huayra est plus impressionnante dans la circulation que sur le gazon.
Oh, certains descendent également, comme cette Jensen ou une autre 300 SL.
Et une Talbot Lago T150C.
Je passe ensuite sur le parking visiteurs où se trouve cette 250 châssis court, qui à l'air plus vraie que celle qui se trouve à l'intérieur.
Allez, je reviens dans l'enceinte pour le début des choses sérieuses.
Les voitures vont s'installer. Aucune parade n'est prévue aujourd'hui donc je vous présenterai les voitures au fur et à mesure que je les découvrirai. Commençons par cette Alfa Romeo 6C 2500 SS, châssis 915856
Cette Lamborghini 400 GT (0709) n'était pas dans la liste des engagés.
Une Ferrari 512 BB
Une Ferrari 365 GTB/4 coupé, châssis 16805,
aux côtés de cette véritable spider, châssis 17045
Une Dino 246 GTS, qui prend le deuxième prix de la classe Ferrari à moteur arrière.
Une 365 GTC, châssis 12299
et une 330 GTC, châssis 11225, qui remporte le deuxième prix de la classe Ferrari à moteur avant, ainsi que le prix de meilleure restauration.
Le premier prix revenant à la 250 Lusso.
Coté avant guerre, voici une Rolls-Royce 20 HP, deuxième prix de la classe Voitures de Tourisme d'avant 1940.
Une Bugatti Type 57 Stelvio, qui remporte la catégorie des Voitures de Sport d'avant 1940. La dénomination Stelvio désigne un cabriolet 2+2.
alors que l'Aravis est un cabriolet deux places. Ici apparemment le châssis 57815.
Une Lagonda, sans doute une 2-Litre, qui ne figure pas sur la liste des engagés.
La Talbot T150C remporte le prix de la ligne décerné par trois artistes ou designers. Néanmoins, elle ne rentre pas dans le palmarès du concours, ce qui pourrait accréditer certains doutes sur l'authenticité de sa carrosserie Pourtout.
Il y a encore quelques arrivées.
Comme cette Chrysler Imperial. Les voitures sont restées passablement mystérieuses puisque la liste des engagés, pas toujours en adéquation avec la réalité de la pelouse, ne fait mention d'aucun numéro de châssis. C'est un peu frustrant de ne pas connaitre l'historique des voitures que l'on découvre. Pour moi ça l'est en tout cas, vous vous en doutez.
Voilà pour le plateau d'avant guerre
dominé par cette Pic-Pic R2, qui remporte sa classe. Cette voiture a été fabriquée par le constructeur Genevois Piccard & Pictet et seuls huit exemplaires de Pic-Pic sont aujourd'hui recensés dans le monde. Celui ci est présenté par la Fondation Pictet.
Les Miura sont en place
Celle ci, récemment restaurée à l'usine Lamborghini, semble décidée à écumer tous les concours d'élégance.
Du coté des "Futures classiques (1970 - 1985)", voici une Alfa Romeo 1600 Spider,
Une 1600 Junior Zagato, dont seuls 402 exemplaires ont été produits.
Une Lotus Esprit, deuxième de la catégorie.
C'est la Jensen Interceptor qui termine première de cette classe. Et j'ai carrément échoué à en prendre une seule photo. Il en faut toujours une.
Voici maintenant le luxe britannique.
Coté Bentley, c'est cette Mark VI Sedanca qui s'impose
devant l'une des deux S1 présentes, la grise.
Dans le camp d'en face, chez Rolls-Royce, la victoire revient à cette Silver Dawn, dont les propriétaires reçoivent également le Prix du Style Zenith, pour l'équipage ayant le plus de style.
Deuxième prix pour cette Silver Cloud III Chinese Eyes
Ici une autre Silver Cloud III, plus classique.
Pour ce qui est des Voitures de Sport d'après 1945, la victoire revient à la Lancia Aurelia B20
qui devance la Jaguar XK150.
Les deux Mercedes 300 SL repartent donc bredouilles.
Tout comme ces deux autres Mercedes-Benz, une 220S et une 190 SL,
et cette Aston Martin DB Mk III.
Sur le côté se trouve une classe guère impressionnante, celle des Années Pop-Art, voitures de ville. Elle est remportée par une MGC GT
devant la Toyota Sports 800, une voiture de 45 chevaux dont 3131 exemplaires ont été construits mais très peu ont été exportés hors du Japon.
Dans la même classe, une MG B
et...
Et voici la classe des Années Pop Art, voitures de sport.
Elle est remportée par l'Aston Martin DB4 GT, châssis 0118/R
devant la Maserati Ghibli.
Egalement présentes, cette Iso Rivolta Grifo Series I
une Lamborghini 350 GT
et cette Alfa Romeo Giulia 1600 Spider
Coté Hispano Suiza, la classe est réduite à deux participants. Vainqueur, cette H6B carrossée par Thrupp Maberly
devant cette H6C Boulogne
Finalement, des 21 classes annoncées sur le site internet du concours, seules 12 se sont concrétisées. Je vous rappelle qu'aucune liste n'a été divulguée avant le jour J. Bref, la classe la plus intéressante à mes yeux est celle qui rassemble quatre Miura pour le cinquantenaire du modèle, toutes avec un historique particulier.
Voici d'abord 4806, une SV qui porte un numéro de S. En fait le premier
propriétaire de la voiture a bien acquis une Miura S, châssis 4806, avant de
subir un important accident quand la boite de vitesse a provoqué le blocage des
roues arrière à haute vitesse. Lamborghini lui a ensuite livré une SV qui devait
initialement porter le numéro 5034 mais qui fut baptisée 4806. La raison n'est
pas claire mais à l'époque, elle était souvent fiscale. Aux alentours de 1979,
elle serait retournée à l'usine pour recevoir quelques modifications comme les
phares couverts inspirés de la Jota.
Le châssis 4846 est à moitié S, à moitié SV, puisqu'il s'agit d'un exemplaire de
transition entre les deux modèles. A ce titre, il possède quelques
caractéristiques uniques. Elle fut exposée sur le stand Bertone à Genève en 1971
et a été récemment restaurée dans sa teinte vert métallisée originale par la
tout nouveau Lamborghini Polo Storico de Sant'Agata. Elle remporte le deuxième
prix de la catégorie.
Le châssis 4904 est une véritable SV. Elle est restée stockée durant 30 ans (de
1981 à 2011) chez son précédent propriétaire et se présente dans un état non
restauré qui a attiré l'attention des juges puisqu'elle remporte la récompense
suprême, le Best Of Show du concours.
Et voici 4521/4868. Il s'agit d'une vraie SV, livrée avec le numéro 4868. Lors
d'un voyage en Italie, elle fut volée et déguisée, recevant l'identité de 4521,
une version S détruite un peu plus tôt.
Evidemment le plus intéressant était de faire des photos du groupe et je m'en
suis donné à cœur joie.
En plus le ciel est très changeant, passant de nuages blancs à menaçant en un
rien de temps.
Je retourne quand même voir les Ferrari, il n'y a pas que les Miura dans la vie.
Vers 14h00, il est temps d'aller manger, d'autant que l'organisateur
a la générosité (de plus en plus rare) de nous inviter. Dans une ambiance
musicale, le buffet est excellent, avec des tartelettes aux framboises
mémorables.
Tout à coup, voilà qu'arrive ce que tout le monde redoutait: une grosse averse.
Je mets ma capuche, protège le boitier et je sors profiter de ces conditions
inédites pour quelques images originales. Je croise Peter qui va se mettre à
l'abri. Ca ne lui ressemble pas mais la perte totale d'un boitier pro 1D sous
les pluies diluviennes de Moroso en début d'année semble l'avoir vacciné. Il
m'assure que "ca ne vaut pas le coup". Je tente quand même.
Il tombe des gouttes énormes. En vingt secondes je suis trempé.
Une des Miura semble avoir un problème de fermeture de vitre.
Son propriétaire court chercher une bâche pendant qu'un parapluie limite les
dégâts.
A priori la plupart des participants ont prévu le coup et ont protégé les
voitures.
Sauf au niveau de cette Bugatti où l'on s'est fait surprendre.
Ce qu'il tombe, c'est fou.
Tout le concours pour moi seul!! Au moins jusqu'à ce que
Sébastien vienne me
rejoindre.
La pluie repart presque aussi vite qu'elle est venue
et les juges commencent leur travail au son du cor des Alpes.
Valentino Balboni fait partie des experts.
Je crois qu'on peut retirer la bâche pour l'instant.
Je ne me souviens pas d'avoir vu une Miura avec les phares "levés"
En même temps, il faut avoir l'œil.
La restauration made in Lamborghini s'accompagne d'un livre somptueux, même si
le peu de contenu que j'ai pu en voir m'a semblé un ton en dessous.
A l'autre bout du parc, je vois que la F40 dévoile elle aussi son cœur.
C'est elle, châssis 87784, qui remporte la classe des Ferrari à moteur arrière, ainsi que le
Prix du Président Honoraire, Ed Gilbertson (juge honoraire du Concours
d'élégance de Pebble Beach)
Assez rapidement hélas, un seconde averse, plus légère, s'abat de nouveau sur
nous. J'en profite pour déguster un excellent café
avant de me réfugier chez Rolls-Royce pour discuter avec quelques amis.
Le luxe, c'est aussi de tout prévoir.
J'en profite encore un peu.
La pelouse est de nouveau dégagée.
Une fois la pluie calmée, je fais mes adieux et flâne encore un peu en direction
de la sortie.
Le soleil revient, les spectateurs aussi.
C'est au tour des Daytona de passer à la loupe.
Le jury, emmené ici par Max Girardo, semble perplexe.
J'ai bien aimé le fond boisé qui permet de ne se concentrer que sur la voiture et non pas sur un décor, aussi sublime soit il.
D'ailleurs il reste plein de place pour l'année prochaine.
L'Aurelia B20 est en train de démontrer le bon fonctionnement de tous ses
organes devant un juge prévoyant.
Dernière photo de circonstance pour cette journée entre soleil et pluie. Au
revoir Concours d'Elégance Suisse, et peut être à l'année prochaine.
Alors, quel est le bilan de cette première édition? Pour un bébé concours, c'est
une belle réussite. L'organisation et le lieu sont agréables. L'arrière plan
boisé est photogénique et le climat du lac offre des changements d'ambiance
saisissants. Le concours est déjà à la croisée des chemins: si le but est de
devenir autre chose qu'un évènement local, il va falloir rapidement et
significativement hausser le niveau du plateau, d'autant que la Villa d'Este
semble un peu sur le déclin ces dernières années. C'est à ce prix qu'il restera
possible d'intéresser des pointures comme Max Girardo, Adolfo Orsi, et d'autres,
qui risquent sinon de se lasser des Coccinelle, 190 SL et autres Alfa Romeo
Spider. Le potentiel de collectionneurs autour du lac est déjà énorme et la
majorité des participants étaient Suisse. Logiquement les attentistes qui
étaient là pour voir ont dû repartir avec un à priori positif donc espérons
que la deuxième édition saura nous surprendre favorablement. Tiens, au hasard,
la 250 GTO et la 212 Inter Vignale de la Turning Wheel Collection l'année
prochaine sur la pelouse...
Reste un dernier petit soucis, principalement personnel: la deuxième édition du
Concours d'Elégance Suisse aura lieu les 17 et 18 juin 2017. Et tout comme cette
année, il s'agit du même weekend que les 24 Heures du Mans que l'édition 2016
dantesque m'a donné envie de retourner voir d'urgence. Espérons donc que le
concours saura communiquer assez tôt sur son plateau pour pouvoir prendre une
décision en toute connaissance de cause.
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