Dormir jusqu'à huit heures, quel sentiment inhabituel. Evidemment quand j'arrive au petit déjeuner, un raid a déjà eu lieu sur le buffet mais c'est un faible prix à payer, d'autant que je ne sais pas encore que je vais vivre la journée la plus extraordinaire et surréaliste dont un tifosi puisse rêver. Je me mets en route à pied pour Fiorano vers 9h30. Devant le magasin Warm up, une California jaune est stationnée: cette robe lui va très bien.
Un peu plus loin, Etienne me prend miséricordieusement en stop et nous pénétrons une nouvelle fois dans l'enceinte du circuit. Alors que nous nous garons dans la rue, deux personnes manifestement Belges nous interpellent en nous demandant si l'un de nous est d'Arthomobiles. Ça ne manquera décidément jamais de me surprendre. Dans la discussion, nous leur expliquons que la vente est ouverte à tous sur l'achat du catalogue, et je crois qu'ils n'auront pas regretté leur visite. Sur le parking des VIP, une Daytona
Devant la logisitica, une HGTE accueille les visiteurs, avec le reste de la gamme: Scuderia, 612 et Califonia
Quelques voitures ont changé de place
A peine le temps de s'installer et la voiture manquante arrive:
Ferrari 250 GT Passo Corto Spéciale Bertone de 1959 chassis 1739GT estimée entre 2.2 et 2.9 millions d'euros.
Première particularité de 1739GT, c'est la 3ème Berlinette PC produite. Elle fut livrée à Enrico Wax, un riche industriel proche d'Enzo Ferrari qui lui accorda un chassis initialement prévu pour courir comme voiture d'usine. De cette anecdote elle a conservé certaines spécifications de compétition. Le chassis fut ensuite envoyé chez Bertone pour recevoir une carrosserie unique dessinée par Giorgetto Giugiaro qui avait alors 21 ans. En 1960 cette voiture exceptionnelle fut présentée au Salon de Turin. Etrangement, la voiture fut vendue par M Wax dès 1961. Quoiqu'il en soit, ce mélange de carrosserie unique et de gènes de course fait de 1739GT une Ferrari extrêmement significative. Elle se distingue entre autres par un insigne de capot absolument démesuré, un toit en métal nu brossé
et un intérieur très particulier avec un levier de vitesse tordu et des compteurs orientés vers le chauffeur.
Pas mal de voitures sortent et disparaissent Le programme de la vente indique des démonstrations sur le circuit et une présentation de la 599XX. Autant vous le dire dès maintenant, celle ci n'aura jamais lieu.
Une autre voiture est arrivée en retard:
Maserati 250S de 1957 chassis 2431 estimée entre 1.5 et 1.7 millions d'euros.
Cette Maserati fut livrée aux Etats Unis en décembre 1957 et participa en 1958 et 1959 à plusieurs courses aux mains de Caroll Shelby et Jim Hall. Elle remporta au moins deux victoires durant cette période. Elle passa ensuite entre les mains de différents propriétaires qui ne parvinrent jamais a achever sa restauration jusqu'en 2008. Une fois restaurée, elle participa au concours de la Villa d'Este, aux Mille Miglia historiques et au Mans Classic. Belle façon de profiter de sa voiture! Et jusqu'au dernier moment puisqu'elle a pris le départ des Mille Miglia à Brescia avant de venir ici ce matin. Admirez ce réservoir, une pièce qui me fait toujours craquer.
Vers 11h30, alors que de plus en plus de voitures semblent quitter le hangar, je décide de demander aux hôtesses ce qu'il en est de la démonstration en piste. Réponse: il faut aller voir Amy à l'accueil donc c'est parti. Amy n'est pas là pour l'instant mais en montrant le pass média des Mille Miglia, Ludo et moi parvenons déjà à obtenir un nouveau badge marqué Média à la place de notre badge Guest actuel. Du coup, quand la fameuse Amy arrive, elle nous indique que les journalistes enregistrés vont être admis au cœur du circuit avant les démos pour déjeuner puis pour une visite de l'usine mais que c'est complet. Damned! Cela dit, elle nous fera rentrer si nous revenons à 13:00. Pas de problèmes. En attendant un petit tour dehors s'impose. Pas mal de Ferrari stationnent dans la rue, ainsi que cette Lamborghini LP640 Hamman.
Ou cette Fiorano bleu clair
Sur le parking de Zanasi, une Scuderia gris mat. Décidément, le mat sur cette voiture me plait beaucoup.
Dans une impasse, nous tombons sur une des Boano et dans la rue d'accès au circuit, la Lusso passe à coté de nous Surprenants ces essais routiers.
Enfin, au fond de l'impasse qui donne sur le circuit, une 599 HGTE menée par les instructeurs des stages "Pilota" s'amuse à dériver dans les virages. Hélas, le seule bonne place à la charnière des barrières est déjà prise et je dois shooter au travers de mailles très épaisses. D'où ce résultat très laid mais que je vous mets quand même, pour le spectacle et parce que c'est une image que je voulais faire de longue date.
Ne reste plus qu'a se poser sur un banc pour patienter et parfaire notre bronzage. Merci à Matteo pour cette image: à gauche, Ludo, à droite, votre serviteur.
Alors que l'heure approche pour nous, Matteo et Matteo décident d'aller voir vers la Galleria ce qui se passe. A peine dans leur voitures, un mouvement de foule à l'entrée du circuit attire notre attention: une California totalement inattendue fait son entrée. Le cauchemar du spotter que de rater une telle surprise: vous comprenez pourquoi il est toujours très difficile de quitter un endroit.
A 13:00, nous sommes au rendez vous et Amy aussi. Notre groupe s'est augmenté d'Olivier, le récent webmaster du registre 308 GT4. La chargée de relations publiques ferme diplomatiquement les yeux et nous accompagne tous les trois dans le saint des saints ou nous attend une surprise de taille. Sur la Piazza M Schumacher, autrement dit la place sur laquelle se trouve la célèbre maison blanche et rouge qu'habita Enzo Ferrari jusqu'à sa disparition se trouvent la Testa Rossa et la Tour de France.
C'est le shoot dont ne peut que rêver tout passionné de Ferrari et il nous est offert à cet instant: un bonheur incroyable et des souvenirs pour toute la vie.
Autant dire que c'est un lâchage total au niveau des photos. Une telle occasion ne se représentera peut être pas deux fois dans une vie.
Indiscutablement les reflets ici sont bien plus beaux que ceux des écrans sous le hangar, et la lumière naturelle n'a pas d'équivalent
La Maserati est sur le coté.
Une fois remis (si je peux jamais m'en remettre), nous constatons que le buffet est encore bien fourni. Tout le gotha de l'internet français est là, pour ce que Marcel Massini himself a qualifié de Top Event du printemps: Etienne de Etienne-images, Arnaud de Passion, Olivier du 308 GT4 registry, Ludovic et Christophe de Ferrari Chat. Je regrette vraiment que les Matteo ne soient pas de la partie. Olivier me présente d'autres membres hollandais de Fchat: finalement ceux qui suivent les évènements ne sont pas si nombreux et je commence à connaître pas mal d'entre eux. Évidemment il y a aussi des gens bien plus importants que nous, tels que James Glickenhaus (propriétaire de la P4/5), Edgar Schermerhorn, Marcel Massini et Keith Bluemel et sans doute encore bien d'autres. La California entre en piste, sans se ménager. On reconnaît sans mal ses gênes de voitures de course sous ses airs de jet-setteuse.
C'est 0714TR qui ouvre le bal des tours de piste pour les voitures concernées par la vente: elle tourne comme une horloge et dans un bruit enchanteur.
Puis la 365 GTB/4 Compétition dans un bruit phénoménal.
Ensuite la Tour de France, a un train bien plus raisonnable.
Les voitures bougent pas mal et changent de cadre. La 500 Superfast est installée à l'endroit le plus stratégique.
La Maserati 250 entre ensuite en piste
suivie de la Lusso. Ce petit trackday est vraiment une excellente idée.
La Daytona Spider se retrouve quelques instants totalement isolée.
comme la 275 GTB/C.
ainsi que les autres, a un moment ou à un autre.
La Daytona Compétition semble avoir pris un petit coup de chaud
Un des endroits mythiques pour les tifosis
mais qu'est ce qui ne l'est pas dans ce lieu chargé d'histoire?
Evidemment, dès que la Testa Rossa change de place, de nouvelles photos s'imposent. C'est vraiment elle la star
Un peu de mécanique mais rien de grave. Sur ces anciennes, rien n'est possible sans commencer par ... un coup de marteau
Vers 15h30, ceux qui ont la chance d'être enregistrés partent en car pour la visite de l'usine. Nous partons juste après la Testa Rossa. Ce n'est peut être pas la moins chère mais pour emballer elle à l'air de bien fonctionner, à en juger par le sourire de la demoiselle.
Ludo et moi nous dirigeons maintenant vers l'entrée de l'usine que les Mille Miglia vont traverser pour un check point. L'entrée y sera théoriquement possible pour la presse à compter de 17:30, les premières voitures devant arriver vers 17:50. En quittant le circuit, nous croisons la Daytona qui à l'air remise de son insolation. Je le dis à chaque fois mais quelle présence a cette voiture!
En chemin nous croisons cette 275 GTB française.
Nous nous présentons avec plus d'une heure d'avance mais l'hôtesse accepte de nous laisser entrer, malgré un petit coup à la Inspecteur Colombo. "_ Vous pouvez entrer ... Oh attendez, il faut que je vérifie sur la liste!" Mais pas de problèmes, on est bien sur la liste. Commence alors une scène digne de Twilight Zone: Nous entrons dans le saint des saints, dans une zone habituellement étroitement surveillée. Pas d'accompagnateurs, présence humaine quasi nulle, c'est comme si nous avions l'usine pour nous seuls (et nos appareils photos). C'est absolument surréaliste. La soufflerie et le portail d'entrée sous un angle très inhabituel
Chaque allée est nommée d'après un pilote ayant apporté un titre de Champion du Monde à Ferrari
les allées sont très larges et bordées de nombreux arbres: le cadre de travail est vraiment très agréable.
Nous arrivons à l'endroit où les rafraîchissements seront servis. A l'intérieur du hall du tout nouveau restaurant d'entreprise se trouve 2735GT, une 250GT Passo Corto mais pas n'importe laquelle. Celle ci remporta de nombreuses victoires en 1961 aux mains de Stirling Moss, dont les Tourist Trophy de Goodwood (le septième de Moss) et de Nassau dans la livrée bleu marine avec bande blanche de son propriétaire Rob Walker. Son expérience au Mans fur plus malheureuse puisqu'elle dut abandonner à la dixième heure alors qu'elle était quatrième au général grâce à des pilotes d'exception: Moss et Hill (Graham). Après un accident en 1962, elle reçut une carrosserie Drogo et continua à courir jusqu'en 1964. Le moteur original en profita pour disparaitre. Dans les années 80, elle récupéra une carrosserie de Passo Corto tandis que l'oeuvre de Drogo était transférée à 3611GT (une 250 GTE évidemment). Elle sort aujourd'hui du département Classiche avec un moteur entièrement refait et une restauration complète. C'est sûr qu'il ne reste plus beaucoup de pièces de l'époque victorieuse mais esthétiquement tout est conforme et elle est superbe.
Nous poursuivons ensuite notre route vers un endroit où est stocké un nombre impressionnant de voitures. C'est seulement à ce moment là que quelqu'un nous court après pour nous indiquer que cette zone est hors limites. Ah bon, quand même.
Trente minutes de banc plus tard, Etienne et Arnaud nous rejoignent après leur visite. Nous décidons de reprendre notre exploration car les invités sont de plus en plus nombreux, et donc le personnel d'encadrement aussi. Après être passés devant de nouveaux stocks impressionnants,
nous arrivons devant les locaux historiques de l'usine: ceux construits par Enzo Ferrari aux tous débuts de la marque: une leçon d'histoire émouvante et impressionnante.
De l'intérieur, nous regardons la foule qui attend la sortie des voitures. Sensation vraiment très bizarre après m'être tenu si souvent de l'autre coté, attentif et envieux.
Comme je le craignais, la sécurité vient nous dire qu'il faut rester dans la zone du restaurant et ne pas s'en éloigner. Pas de soucis, on a fini notre visite de toutes façons, même si le départ des voitures dans la cour pavée des anciens bâtiment aurait été encore plus extraordinaire. Enfin je ne vais pas me plaindre après une opportunité dont je n'aurais même pas osé rêver. Si on m'avait dit hier que je pourrais approcher de si près le rang de voiture que j'ai photographié en dernier...
C'est parti avec les voitures d'avant guerre, dont les Bugatti qui semblent avoir très bien résisté à l'épreuve.
Certaines voitures sont malheureusement un peu chiffonnées.
En tout cas, toutes ont désormais la patine due à plusieurs centaines de kilomètres menés tambour battant
La première Ferrari arrive après plus d'une heure trente. J'avoue que je commençais à être très inquiet. On m'a rapporté que plusieurs voitures avaient connu des débuts d'incendie et 089S fait partie de celles ci. Les Mille Miglia donnent immanquablement lieu a des anecdotes incroyables dont par exemple l'expérience des frères Batista sur 0217EL: la batterie de la 212 Inter n'avait pas assez de puissance pour supporter ... l'allumage des phares, ce qui a obligé les pilotes à rouler tous feux éteints.
Je monte ensuite au balcon du restaurant d'entreprise. De là haut, on a une vue d'ensemble de l'arrivée des concurrents.
De là, je peux saisir quelques tableaux assez saisissants.
Je suis plus loin de l'action donc je peux difficilement prendre plus d'une photo par voiture quand elle passe sous l'auvent mais l'angle de vue est inhabituel et séduisant.
Je m'attarde aussi longtemps que possible car je risque de ne pas avoir de sitôt d'autres occasions de photographier ces belles anciennes selon un angle aussi extrême.
Au bout d'un moment, mon instinct me souffle qu'il est temps de redescendre. De nombreuses Ferrari sont garées le long de l'allée principale et réclament mon attention.
Un peu à l'écart, Ludo me signale la présence d'une Barchetta Touring ne participant pas à la course. Plus rien ne peut m'étonner aujourd'hui de toutes façons, malgré la totale improbabilité d'une telle présence. Il s'agit de 0284AM, une 340MM à l'origine carrossée par Vignale mais qui fut rhabillée en 1969 en Touring par Fantuzzi, suite à un accident au Mans en 1953. Parmi ses faits d'armes, une quatrième place aux Mille Miglia 1953. Non loin de là un étrange Spider Daytona orange sur lequel je n'ai hélas pas le temps de m'attarder.
L'ambiance est excellente. Je discute un peu avec James Glickenhaus qui refuse de dire si il pense enchérir demain, ce qui signifie sans doute qu'il a une idée derrière la tête. Il s'amuse en tout cas particulièrement que Ferrari lui ait délivré un badge marqué "driver". Quand le Directeur Général de Ferrari, Amadeo Felisa, s'aperçoit que je le prend en photo, il me fait un petit clin d'oeil. Jess Pouret discute tranquillement à coté d'une 750 Monza. Est également présent Giulio Borsari, chef mécanicien de la Scuderia de 1962 à 1976, une légende vivante. Bref tout le monde à l'air heureux d'être là.
0442M est un peu chiffonnée mais cette vétérante a sûrement déjà vu pire
Les barchettas se succèdent
Les Ferrari sont à domicile, l'occasion de photos aussi spectaculaires qu'emblématiques
Les autres marques sont là aussi bien sûr,
quoique des fois l'arrivée est un peu laborieuse.
026M arrive enfin, ouf!
et 0264M aussi, les deux plus importantes à mes yeux
Quand les arrivées s'espacent, je regarde ma montre et je constate avec surprise qu'il est déjà près de 20:00, je n'ai vraiment pas vu le temps passer. Je prends doucement le chemin de la sortie. Les spectateurs à l'extérieur se font rares mais je ne doute pas qu'ils étaient nombreux au plus fort de la course. Une dernière 750 Monza arrive à la bourre. Manifestement les Ferrari de course se sont très bien comportées alors que celles de tourisme ont eu plus de mal.
Je reviens à pied vers l'hôtel: il y a des bénévoles qui règlent la circulation à chaque carrefour et les derniers concurrents déboulent à tombeau ouvert: l'esprit des Mille Miglia originelles est encore bien vivant. Ca n'a guère d'importance mais ce sont deux Bugatti Type 35 qui s'adjugent les deux premières places du classement final de retour à Brescia. L'équipage vainqueur: Carlo et Bruno Ferrari: l'honneur est sauf!
Sur la place de la mairie où se trouve mon hôtel, pas mal de Ferrari dont cette Stradale et une Lamborghini Gallardo Spider.
Je termine en m'intéressant de plus près pour la première fois à la grande sculpture qui figure notamment Enzo et son Cavallino coiffés par une aile d'ange. Une conclusion parfaite pour cette journée où l'ange gardien de ma passion a été particulièrement actif.
Demain pas de réveil encore une fois: hourrah! Le matin Galleria Ferrari et l'après midi, la vente proprement dite.
Je ne veux pas terminer le résumé de cette journée ... je ne sais même pas quel qualificatif utiliser ... inoubliable sans saluer l'extrême amabilité de toutes les personnes de Ferrari avec qui j'ai eu des contacts jusqu'à maintenant. Que ce soit lors de ma tentative de visite avortée en novembre dernier, ou aujourd'hui à Fiorano ou encore à l'usine, chacune de mes interlocutrices (eh oui, c'est comme çà) s'est montrée parfaitement aimable et serviable, cherchant toujours à arranger au mieux des situations pas gagnées d'avance. On entend souvent critiquer le coté mercantile de Ferrari (et sans doute à raison) mais en matière de relations publiques, c'est pour l'instant un sans faute à la maison mère pour moi.
PS: on me souffle dans l'oreillette que 0284AM et 0264M portent en fait des répliques de carrosseries Touring fabriquées par Fantuzzi et que la peinture patinée de 0264 est une fausse. Comme quoi, il est facile pour les amateurs, même éclairés, de se laisser prendre au piège des re-carrossées. Je n'y ai vu que du feu, pensant que Fantuzzi avait mis en place des carrosseries Touring originales!
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