Dimanche matin, la journée commence bien tôt. Je suis réveillé parce que j'ai les pieds glacés, malgré un bon sac de couchage. J'ai peut être un peu trop laissé la tente ouverte hier soir et l'humidité s'est infiltrée. Bref, tout le monde est debout tôt. Le repliage des tentes est bien plus facile que je ne m'y attendais et tout est bouclé en moins de 20 minutes pour les trois. Nous chargeons la voiture et la descendons au plus près du bout du camping: ce soir, il ne faudra pas perdre trop de temps avant de se mettre en route. Cette fois, le passage de la porte ne pose pas trop de problèmes. Sur un des parkings intérieurs, nous croisons une 275 GTB.
Nous traversons une fois de plus les paddocks pour aller petit déjeuner. La troisième fois, ça commence à choquer un peu moins.
Il reste encore des mises en scènes que je n'avais pas remarquées.
Je traine mes pauvres partenaires au paddock des monoplaces. Je n'ai pas besoin de supplier non plus.
Je suis sûr qu'il y a plein de merveilles prestigieuses qui se cachent ici. Onze BRM Type 25 ont été construites. En voici deux. Bizarrement, une seule a survécu, les autres ayant été cannibalisées pour construire les P48 à moteur arrière.
Par contre ces deux Aston Martin DBR4 sont des vraies, DBR4/1 et DBR4/4. La moitié de la production totale.
Ca marche en duos: Lotus Climax 25. A droite le châssis R4, qui a permis à Jim Clark de remporter cinq Grand Prix dont quatre consécutifs en 1963. A gauche, il s'agirait de la reconstruction de R5.
BRM P261, châssis 2612 à gauche et 2615 à droite.
BRM P57, châssis 57-2 à gauche et 57-3 à droite.
Une Lotus Climax 24
Cette Cooper T51 Maserati, châssis FII/12/59, a eu des pilotes prestigieux comme Gregory, Von Trips ou Bandini.
Cette Cooper Ford T56 porte le nom et la signature de John Surtees
En voitures de sport, voici la Maserati Tipo 151/3 que j'avais déjà croisée au Mans. Je ne l'ai pas vue bouger.
Les voitures du Tourist Trophy se préparent
La Cobra accidentée hier a été réparée, et avec style!
Pardon!
Voici les deux Chinook MkII. Celle de droite revient en piste pour la première fois depuis 1972, après une importante restauration.
Quant à "Miss Veedol", elle porte encore la saleté de sa course d'hier. J'aime! Ce serait la première Mk II produite.
Ca va être l'heure des Gassers, qui célèbrent le début des courses de dragsters américaines. Propulsées à l'essence, ils pouvaient rouler jusqu'au drag strip, faire leur run et retourner ensuite à la maison. Nous parvenons à nous glisser sur la ligne de départ, au plus près des machines.
Et le show commence, avec cette Dodge Dart à moteur Chevrolet.
J'ai toujours espéré pouvoir couvrir une course de dragsters, mais je ne pensais pas le faire en venant ici.
En tout cas ça débouche bien les oreilles, croyez moi.
J'aime vraiment beaucoup ces images.
Horrid Henry développe 561 chevaux, sept fois plus qu'à l'origine.
Ca fait beaucoup de fumée.
Nasty Habit dispose d'un moteur de 9.4 litres.
J'aime bien ce hot-rod
Les suivants sont un peu moins expansifs.
Quoique.
Les véhicules de soutien ferment la marche, comme ces pousseurs,
ou cette voiture de police.
Nous montons au dessus des stands alors que les voitures font un deuxième tour.
Allez, on bouge. Les anglais auront fait plusieurs fois la démonstration de leur sens de l'humour.
Devant les Cobra, les artistes sont au travail.
Impressionnante cette Ford, non?
Allez, une dernière photo du pur style Goodwood.
Nous sommes dans le paddock des voitures de tourisme, où nous ne nous sommes pas encore aventurés.
Vous aimez les camions?
Ca dépasse un peu.
Nous décidons d'aller voir la course suivante à un endroit inédit, non loin de l'entrée par laquelle nous sommes passés ce matin. Encore de la marche à pied en perspective. Nous coupons par la zone où les voitures peuvent faire un peu de mécanique.
C'est le Richmond & Gordon Trophies, pour les voitures de Grand Prix de 2.5 litres ayant couru entre 1954 et 1960. Profitez bien de la Scarab car vous ne la reverrez plus sur cette page, hélas.
Et c'est parti!
Ambiance studieuse, flegme britannique.
Commençons par cette Lotus 16, châssis 363, qui a donné au Team Lotus et à Graham Hill leurs premiers points en Championnat du Monde de F1, à Monza en 1958. Elle est ensuite passée entre les mains de David Piper et est considérée comme la Lotus 16 la plus authentique existante. Je tremble pour elle.
En voici un deuxième exemplaire.
Les BRM Type 25. Le premier jour, j'ai foiré pas mal de photos à la chicane au 1/200. Maintenant je fais du 1/50. Il faut juste retrouver les automatismes.
Les Maserati 250 F sont présentes, évidemment.
Le plateau est tellement touffu que je suis passé complètement à coté des deux Ferrari 246 Dino dans le paddock. En réalité, toutes les voitures sauf une furent démantelées par Ferrari à la fin de la saison 1960. En 1971, toutes les pièces détachées furent vendues à Sir Anthony Bamford, qui fit ré-assembler un exemplaire, le châssis 004/R1.
Et voici la survivante, épargnée pour courir la série Tasman en Nouvelle Zélande. Il s'agit du châssis 007/0788.
Cette drôle de bête est une Ferguson P99, à quatre roues motrices. Elle a remporté une course avec Stirling Moss à Oulton Park en 1961, ce qui en fait la seule quatre roues motrices à avoir jamais remporté un Grand Prix de Formule 1. Et j'ai été à un cheveu de passer complètement à côté.
L'Aston DBR4
Une Cooper T45
et une Lotus 18 ex Jim Clark
Je finis au 1/20, soyons fou.
Alors que la course se termine, les avions se préparent à décoller.
Nous rebroussons chemin pour aller manger, même pas peur de la marche à pied.
Une fois le ventre plein, nous quittons définitivement le paddock, et c'est bien triste. Nous nous rendons au premier virage pour assister à la course suivante et nous y resterons jusqu'au départ du Tourist Trophy, après quoi nous ferons le tour du circuit jusqu'à la sortie la plus proche du parking, un peu avant la chicane. L'occasion de découvrir toute la partie que je n'ai pas encore vue. C'est l'heure de la deuxième course du St Mary's Trophy, où la plupart des propriétaires vont piloter leur voiture, au lieu de la confier à des stars du volant. Et c'est parti!
Les Ford Galaxie sont très spectaculaires du fait de leur taille
Elles attirent mon objectif.
Tout comme cette Fairlane.
Mais ce sont plutôt les petites qui font le spectacle.
J'avoue qu'à un moment je me suis assis dans l'herbe et que j'ai presque posé l'appareil.
Mais le spectacle offert par cette Alfa Romeo 1600 GTA et cette Mini Cooper m'a motivé à le reprendre. J'ai suivi leur duel épique sur l'écran géant, jusqu'à leur passage devant nous. Durant de nombreux tours, elles ont été roues dans roues. Extraordinaire, encore un des grands souvenirs du weekend.
Les deux pilotes ont été très applaudis, à juste titre.
C'est l'heure des célébrations. Les avions prennent l'air.
Le 19 avril 1965, lors du Sunday Mirror International Trophy, le record du tour du circuit de Goodwood a été établi par deux concurrents, en 1 min 20.4 secondes. Il s'agissait de Jim Clark et Jackie Stewart. Pour fêter ce cinquantenaire, voici Dario Franchitti dans une Lotus-Climax 25, châssis R4, identique à la voiture de Clark à l'époque
et Jackie Stewart lui même dans la BRM P261, châssis 2615, qu'il conduisait ce jour là. Ca calme.
Ensuite vient la commémoration des 75 ans de la Bataille d'Angleterre. Tandis que les avions tournent en formation, le nom des victimes est énoncé au micro, provoquant à chaque fois l'abaissement d'un Union Jack sur la ligne de départ. Même sur l'écran géant, c'est un moment très émouvant.
Tout comme le défilé de ces vétérans.
Il est 14h30 locales, l'heure du dernier temps fort de ce weekend: le Royal Automobile Club Tourist Trophy Celebration. Je vais voir si la course est à la hauteur de la vénération que lui vouent mes complices. Hier, pour les essais, nous étions installés au virage de Woodcote. Aujourd'hui, nous allons démarrer de Madgwick et profiter des 60 minutes de la course pour marcher jusqu'à l'entrée de la ligne droite de Lavant.
L'une des 250 LM ne fait qu'ouvrir le tour de formation. La jaune de Carlos Monteverde n'a manifestement pas été réparée à temps. Ce qui fait que seule celle de Maranello Concessionnaire participera à la course. La Cobra Daytona a elle aussi jeté l'éponge, peut être pour rester en état de participer à la dernière parade qui aura lieu à 17h00. Nous serons loin! Une petite préoccupation, mes trois batteries sont à la dernière barrette. Il va falloir jongler.
Le départ est donné! Comme souvent dans les courses historiques, les Cobra sont aux avant-postes.
Derrière, ça suit de près.
Sur cette photo, on dirait bien qu'il y a déjà des morceaux qui volent.
Les deux GTO côte à côte, superbe!
Le spectacle est déjà de mise: glissades, roues levées...
Nous avançons un peu.
Voilà ce qui s'appelle toucher le point de corde.
Fordwater passe très vite, en glisse. Dommage que les photos ne puissent pas rendre le coté ultra-spectaculaire de ces passages mais j'aurai peut être une solution pour vous en bas de la page.
Les Ferrari restent relativement raisonnables. Les vrais fous furieux sont en Cobra et en Jaguar, principalement.
Nous approchons de St Mary's.
Je tente une image classique chez les photographes pro. Le taux de déchets est juste hallucinant.
Les Cobra sont toujours aussi folles.
Je profite à fond de la GTO, évidemment.
Par contre je n'ai quasiment aucune image des Corvette.
Cette DB4 lève elle aussi une roue.
Bien, j'en arrive à ce dont je voulais vous parler. Pour participer au Tourist Trophy, il faut y avoir été invité. Un honneur difficile à décliner et une fois engagé, impossible de trainer à l'arrière du peloton et de finir à dix tours du premier.
Le règlement impose un changement de pilote et le propriétaire fait souvent appel à un professionnel, comme Emanuele Pirro (250LM), Derek Bell (250LM), Jackie Oliver (Type E), Alain de Cadenet (250 GTO), Nicolas Minassian (Cobra)... Et la consigne est simple: la victoire à tout prix. Le résultat, c'est que peu de voitures terminent la course sans bosse, ou pire. L'aile avant de cette Cobra aura besoin d'être redressée.
Cette Type E a bien frotté.
Et celle ci à serré la chicane d'un peu trop près.
L'aile arrière de cette Cobra semble avoir un peu touché aussi.
Ne parlons pas du Breadvan évidemment.
La Lister Coupé, un modèle unique elle aussi, aura également besoin d'une rhinoplastie.
Heureusement, certaines voitures restent intactes... pour le moment.
Alors que penser de tout ça? Est ce que c'est bien de prendre autant de risques avec des voitures aussi prestigieuses? La fonction d'une voiture, c'est de rouler. Dès qu'elle roule, le risque existe, comme l'encore prouvé, par exemple, le dernier GTO Tour. La fonction d'une voiture de course, c'est de courir. Le plus vite possible. Dès lors, soit on les met à la retraite dans un triste mausolée, comme au Musée Schlumpf, soit on leur permet de vivre et de faire ce pour quoi elles ont été conçues: vivre vite.
Même si j'ai encore des sentiments partagés, mon opinion est la suivante: une voiture parfaitement authentique, comme CSX2287 que nous avons vue hier, ou 917-053, la vainqueur du Mans 1971, devraient être préservées car elles sont devenues extrêmement rares. D'autres voitures ont à un moment ou un autre de leur carrière été accidentées, calcinées, détruites, ou le plus souvent redécouvertes dans un état de décomposition avancé. Concernant les voitures de course, il a fallu des circonstances exceptionnelles pour qu'elles soient préservées alors qu'une fois leur très courte carrière terminée, personne ne voulait s'encombrer d'elles. Elles ne portent donc plus leur carrosserie originale et comme les parties mécaniques, celle ci doit être considérée comme une pièce d'usure. Durant leur vie en compétition, toutes les carrosseries ont été abimées, découpées, enfoncées, et refaites pour la course suivante. Il peut en être de même aujourd'hui. Vu leur valeur, toutes les voitures engagées dans le TT aujourd'hui peuvent être considérées comme immortelles et quoi qui leur arrive, elles seront toujours remises à neuf, pour notre plus grand plaisir. Dans la semaine qui a suivi Goodwood, le Breadvan est arrivé aux Dix Mille Tours en parfait état et DBR1/4, l'Aston classée deuxième au Mans en 1959, a pris une Austin Healey de face au Castle Combe Autumn Classic. Ca arrive, c'est le prix à payer pour voir des voitures glisser sur cent mètres pour prendre un virage. Et franchement, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi impressionnant et excitant que cette course de folie. Et puis il faut bien former les jeunes marteleurs non?
La GTO sort très très large, et revient avec l'aile arrière enfoncée
et la DP212 finit posée dans les graviers.
La course est toujours aussi furieuse.
Le circuit est principalement composé de courbes rapides, propices aux passages spectaculaires.
Il y a aussi un peu de relief.
La course touche à sa fin, notre weekend aussi. J'ai vidé complètement deux batteries mais la dernière ne clignote encore pas.
Je descends au 1/60 pour finir en beauté, dans ce qui sera pour nous le dernier virage.
Au final, la victoire revient à cette Jaguar Type E qui a couvert 41 tours, soit une distance ahurissante de 158.1 kilomètres dans l'heure.
Elle précède un groupe de 3 Cobras, HEM-6 prenant la deuxième place.
Le duel pour la cinquième place entre la Lister et la Cobra de Ludovic Caron a duré jusqu'à la ligne d'arrivée, au bénéfice de la Lister.
C'est terminé. La dernière batterie a tenu. C'est toujours bon de savoir que je peux tenir deux jours intenses avec trois batteries sans recharger. Coté cartes mémoire, j'ai à peine entamé la deuxième, je suis large puisque je ne shoote qu'en jpeg.
Une dernière des Ferrari, au 1/20, pour le fun.
Les organisateurs mettent le paquet pour produire des images de qualité, pour les écrans géants et pour une diffusion sur Youtube et honnêtement, je ne saurais trop vous conseiller de visionner cette course, pour ressentir l'ambiance et la folie furieuse que les photos peinent à retranscrire parfaitement. Ca vaut largement le coup.
Le résumé
Si ça vous a plu, la course complète:
Dès la fin de la course, nous filons à la voiture et mettons les voiles avant la grande foule. Le long voyage de retour commence. Il est 15h45 ici mais déjà 16h45 dans notre futur fuseau horaire. Ouille. La sortie du circuit se passe plutôt bien. Nous arrivons même à Douvres avec une heure d'avance sur le ferry, tout contents d'avoir choisi un billet flexible et de pouvoir traverser plus tôt. S'ensuit une scène digne de Mister Bean ou Benny Hill: une flot ininterrompu de vélos descend du ferry qui vient d'arriver. Des centaines, pendant un temps interminable. A tel point qu'on se demande à un moment donné s'il ne s'agit pas d'une course autour du terminal. Résultat, notre ferry quitte le port après l'heure de celui qui était initialement prévu. Nous arrivons à Calais vers 22h00. Le soir la ville est ultra glauque. Le long des routes, sous les ponts, dans les champs, des silhouettes rôdent, souvent en groupe. La police et les CRS sont présents partout également, battant les champs avec des lampes torches. Je ne suis pas mécontent quand nous rejoignons l'Ibis, transvasons les bagages et mettons cap au sud. Antoine assure la conduite seul pendant tout le retour. Je lui tiens compagnie pendant un bon moment avant de piquer du nez sur la fin. La Kia n'a pas bougé de son parking. A moi de conduire. Il est 4h45 quand j'arrive à la maison. Antoine a cours à 8h00. Pour ma part, je dois amener les enfants au bus à la même heure mais j'ai une journée de récupération. Par contre, demain matin à 08h00 je dois être à Francfort pour le salon de l'auto. La fatigue va se faire sentir mais ça, c'est une autre histoire.
Il est temps de conclure. Ce premier Goodwood Revival a été une vraie révélation. C'est sûr que je regrette d'avoir autant attendu. C'est sûr que j'aimerais revenir chaque année. Mais le voyage n'est pas anodin, d'autant que Chantilly et le Mondial de l'Auto ou Francfort ont lieu durant cette période. Bon, je n'ai pas eu le temps de tout voir, ce qui parait logique pour une première fois, même bien accompagné. Le plateau est absolument énorme et hélas les courses sont très nombreuses et très courtes. J'ai tout de même fait une exceptionnelle moisson de nouveaux châssis, en Ferrari, Jaguar ou GT40. Comme dans tous les évènements de courses historiques, plus de la moitié du plateau reste le même d'une année sur l'autre, ce qui permet de se concentrer sur autre chose les années suivantes. Comme l'atmosphère par exemple. J'avoue que c'est l'ambiance qui m'a le plus plu: les Spitfire, le circuit sans grillages, et bien sûr les tenues des spectateurs. Une immersion complète. Pour une fois, ça a été un plaisir de garder des gens dans le cadre et j'ai été heureux d'avoir moi même opté pour une tenue dans le thème. Je pourrais même prendre goût à ce genre de dress code. Autre point positif, les voitures sont épargnées par la publicité et les autocollants disgracieux, ce qui est un point important pour faire de belles images. La météo a été parfaite, avec juste ce qu'il faut de nuages et pas trop de pluie. Bref, c'était parfait! J'attends le programme de l'année prochaine avec un mélange d'excitation et d'inquiétude car hélas, je sais que je ne pourrai pas faire le voyage chaque année, même si j'adorerais çà. Cà ne restera sans doute pas un one-shot non plus, il me reste encore plein de choses à voir.
Dans le prochain reportage, nous clôturerons l'épisode britannique avec la vente aux enchères Bonhams qui s'est tenue en marge du Revival, avec quelques lots de grand prestige.
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