J'inaugure cette semaine un nouveau concept, le premier non-reportage photo de l'histoire d'Arthomobiles. Je vais m'expliquer.
Ceux qui connaissent ma passion pour la marque au cheval cabré sont souvent étonnés quand je leur dis que, de toute ma vie, je n'ai roulé que deux fois en Ferrari. Pour commencer, je n'ai jamais voulu payer pour faire quelques tours trop vite passés, ni les faire payer par des proches. Ensuite, je ne suis pas du genre à aborder tout le monde sur une pitlane pour me faire emmener. Je trouve que çà a beaucoup plus de valeur quand c'est offert spontanément, par pur plaisir du partage d'une passion commune. Voilà pourquoi je ne me suis pour l'instant installé que dans deux Ferrari, mais non des moindres: la 599 GTB, la plus belle et la plus puissante des modernes, et la 430 Scuderia, dont j'ai déjà profité à quatre reprises avec chaque fois autant de bonheur. Si je parle de çà aujourd'hui, c'est que j'ai la possibilité ce mardi de doubler mon score. En effet, après un contact par mail grâce au site puis par téléphone, j'ai rencontré Philippe au Mans Classic. Il m'a ensuite très gentiment proposé de venir faire quelques tours à ses cotés lors d'une séance de roulage privé sur circuit.
Les explications promises: beaucoup de circuits signent des accords d'exclusivité avec un photographe, qui leur verse une somme en échange de l'exploitation réservée des évènements privés. Du coup, en dehors des manifestations publiques, tous les autres photographes sont persona non grata dans l'enceinte du circuit, pour ne pas faire de "concurrence déloyale", et ce même quand le photographe officiel est absent. C'est évidemment très frustrant pour les amateurs qui, comme c'est mon cas, n'ont pas d'objectif mercantile lors de ces journées. Bref, on ne va pas épiloguer cent sept ans là dessus, la position du professionnel qui paie une redevance étant parfaitement défendable. J'ai promis à Philippe de ne publier aucune photo permettant d'identifier le circuit, et je tiens parole: voici le premier reportage où l'on ne voit (presque) aucune voiture. Tant pis, il était impensable pour moi de ne pas partager avec vous ces moments intenses. Allez, trêve de bavardages!
A quatre heures du matin, je suis réveillé par d'impressionnants grondements de tonnerre suivis d'un bruit de pluie très intense. La météo n'était déjà pas très optimiste pour la journée mais ce n'est guère encourageant, d'autant qu'une fois en route, la radio fait état de nombreuses alertes aux orages. J'arrive vers 09:00 aux portes du circuit. Il s'agit d'une journée de roulage privé co-organisée par plusieurs sociétés évènementielles: Prestige Racing, Emotion et Actua GT, auxquelles s'ajoute les constructeurs Caparo et Radical ainsi que quelques indépendants comme Philippe. Une bonne façon de limiter les frais de location de la piste tout en garantissant un faible trafic. En gros, Caparo est venu avec deux T1 (j'y reviendrai), Emotion avec trois F430 Challenge et une 458 Italia, Prestige Racing avec une F430 Challenge, une 360 Challenge et une Pescarolo. Actua GT avec deux Gallardo Superleggera (oranges, superbes!), une Audi R8 V10, une F430 et une LP560-4.
Malgré la pluie, Philippe est déjà en piste, le hurlement de la Challenge Stradale déchirant l'air matinal à chaque passage dans la ligne droite. Très franchement, la 360 Modena est l'une des Ferrari modernes dont la ligne me plait le moins. Mais à l'instigation de Daniel Marin, Ferrari décida d'en développer une version allégée pour une utilisation mixte route / piste: la Challenge Stradale fut dévoilée au salon de Genève en 2003. Une légende était née. Esthétiquement d'abord, quelques modifications mineures ont suffi à transfigurer la voiture, comme pour la Scuderia par la suite: boucliers modifiés, suspensions abaissées (en titane), jantes BBS en 19 pouces, rétroviseurs en carbone, stickers (en option) et échappement ... libéré.
Je vous laisse admirer l'un des plus beaux rétros de la production automobile, tout en carbone.
La voiture a subi une cure d'amaigrissement sévère, 100 kilos ayant été gagnés en dépouillant l'habitacle principalement, tandis que le moteur gagne un peu de puissance pour afficher 425 chevaux. Le terme de légende n'est pas galvaudé car... ah, mais voilà la voiture qui s'engage dans la pitlane. Après les salutations d'usage, Philippe me dit de récupérer le casque qu'il a pris pour moi dans un boxe et de monter à bord. Je me glisse dans le baquet et ajuste les harnais. Effectivement, il n'y a pas de fioritures.
L'ample pare soleil réduit pas mal la vision vers le haut, totalement superflue. C'est parti! Immédiatement, ce qui fait la légende de la Stradale s'exprime: son bruit. Passé 4000 tours, le V8 monte dans des aigus absolument épiques. Ce qui n'est d'ailleurs pas sans poser quelques problèmes: si les circuits sont aujourd'hui le lieu de prédilection pour pouvoir rouler vite en toute sécurité, notre société de plaisirs aseptisés y a limité le volume sonore. La Challenge Stradale battant tous les records en la matière (près de 120 Db), Philippe est contraint de soulager l'accélérateur en deux endroits, dont la ligne droite. Nous dépassons donc à peine les 200 mais la vitesse de pointe n'est pas une finalité. Paradoxalement, la voiture n'est donc quasiment plus utilisable sur circuit, son milieu naturel, alors que rien ne s'oppose à son exploitation sur route. Une chose est sûre, plus jamais une voiture aussi impolie ne sera produite, et à ce titre, elle marque vraiment un tournant majeur de l'histoire de l'automobile sportive.
J'ai beau être bien maintenu par le baquet, je m'agrippe tout de même à la poignée de la porte en carbone. En parlant fort, nous arrivons tout de même à nous entendre. Philippe me fait un cours de pilotage accéléré: freinage roues droites, les mains à 09h15 ne bougent jamais sur le volant afin d'assurer une réactivité optimale (sauf en cas de virage très serré évidemment); le regard va se fixer sur le point de corde que la voiture va devoir venir effleurer. Le freinage a transféré la masse de la voiture sur l'avant, ce qui donne plus d'adhérence aux roues directrices. La grosse nouveauté pour moi et que pour négocier les virages rapides, Philippe me montre comment il donne un angle au volant (approximativement 45°), et fait tourner la voiture en dosant l'accélérateur, sur un filet de gaz. Plus il accélère, plus la voiture rentre vers la corde. Etonnant!
En cours de démonstration, qui mobilise un peu de concentration, la voiture lui échappe avant de donner un "coup de raquette", une reprise d'adhérence qui la propulse dans l'autre sens. Après avoir louvoyé trois ou quatre fois, le bolide revient en ligne. J'avoue avoir un peu fixé le bac à sable et la barrière au fond durant l'aventure. Le moteur s'exprime toujours rageusement, et la voiture décroche toujours aux mêmes endroits, ramenée dans le droit chemin par un contre braquage instantané. La piste est assez piégeuse mais tout se passe bien, seul un petit dépassement de vibreur est à déplorer suite à un point de freinage un peu optimiste.
D'après Philippe, la Challenge Stradale est la Ferrari qui procure le plus de sensations avec la F40. Je le crois sans peine, car j'ai vraiment fait le plein de sensations quand nous revenons sur la pitlane. C'est bon, je suis conquis!
Philippe repars immédiatement avec un autre passager et je brave la pluie pour faire un tour. Le paddock accueille une 458 Italia noire et une California rouge. Pour les photos de détails, vive la pluie!
La douche semblant légèrement diminuer d'intensité, Philippe décide de profiter de sa seconde voiture: une F430 Challenge.
Si j'adore la F430 GT2 (dont j'ai de multiples exemplaires au 1/43), je n'ai jamais prêté beaucoup d'attention aux Challenge. Extérieurement proches de la série, elles ne sont pas très spectaculaires. J'ai souvent considéré les courses comme un divertissement de gentlemen drivers souvent prompts à froisser la carrosserie. C'est le moment ou jamais de me faire un avis plus documenté. La première série Challenge remonte à la 348 et l'intérêt de la clientèle ne se dément pas puisque la 458 Challenge vient d'être présentée. Esthétiquement donc, la voiture n'est pas très différente de la F430 civile, ce qui en dit long sur l'efficacité aérodynamique de cette dernière. Elle parait juste posée par terre, grâce a un amortissement très court et des jantes BBS monoblocs de 19 pouces a écrou central.
L'habitacle est bien entendu quasiment nu pour gagner du poids, mais l'arceau cage est plutôt intimidant.
L'intérieur des portes, en carbone, a suivi le mouvement: ne reste qu'une ficelle pour ouvrir la portière. Le moteur est lui aussi de série, ou quasiment. Le V8 4.3 litres développe 490 chevaux à 8500 tours. La boîte F1 robotisée à six vitesse reçoit des rapports spécifiques en 5ème et 6ème. Les freins sont en carbone céramique.
Comme Philippe a eu la bonne idée de prendre l'option siège passager (aux environs de 4000 euros quand même), il m'invite à prendre place à ses cotés. C'est déjà plus compliqué, l'arceau cage étant assez haut. Je pose un pied dans la voiture, me laisse tomber dans le baquet, puis peine a ramener mon autre jambe dans l'habitacle avec l'appareil photo là au milieu. Un assistant m'aide ensuite a boucler le harnais six points et à serrer les sangles. Je ne peux plus bouger, c'est bon!
D'emblée, je comprends que les sensations seront plus aseptisées que dans le Stradale: le bruit est plus civilisé, l'accélération très linéaire (à l'instar de ce que j'avais déjà constaté dans la Scuderia) et l'absence de roulis font que malgré des vitesses plus élevées, l'intensité est un peu moindre. Pour autant, la sensation de vitesse et bien là et je suis encore une fois surpris par la déconnection totale entre l'impression en bord de piste et celle dans la voiture: le jour et la nuit. En plus, le circuit est très technique, avec énormément de relief qui masque totalement les virages, ce qui rend la vitesse encore plus impressionnante. Dans la ligne droite, le bruit "réduit" de la F430 permet de rester à fond mais la piste mouillée interdit une sortie optimale de la courbe rapide qui la précède. Cela dit, le compteur digital frôle tout de même les 238 km/h avant le point de freinage: le virage me saute littéralement au visage mais çà tourne.
C'est l'un des points les plus intimidants du circuit. Je m'attendais à ce que l'autre soit un S en descente mais il s'agit en fait du virage suivant, très serré et en côte: Philippe va chercher le bord opposé de la piste avant de virer sèchement et de relancer, m'expliquant avec bon sens que mieux vaut un virage bref et une ré-accélération au plus tôt que de suivre le virage et de perdre du temps. En tout cas, le moment où on va tout droit chercher le vibreur extérieur est assez troublant. Les leds vertes au dessus de l'écran digital indique la progression du régime moteur, option qui a désormais été transférée directement sur le volant des modèles récents.
Pour un néophyte comme moi, l'ambiance course de l'habitacle, les vitesses de passage et surtout les freinages sont vraiment très impressionnants: je m'en souviendrai longtemps, même si Philippe me dira ensuite que nous avons tourné plus de 15 secondes moins vite qu'avec des slicks sur le sec (1'43" au lieu de 1'28" si je me souviens bien). Les sensations sur le sec doivent être vraiment saisissantes. En tout cas, durant toute la session, je me serai senti parfaitement en sécurité, malgré les décrochages parfois intempestifs de l'adhérence. Les seuls moments ou j'ai un peu serré les fesses (je suis en manque d'adjectifs) sont l'arrivée sur d'autres voitures. Les compétences de pilote de Philippe font que nous n'avons jamais été dépassés quand j'étais passager, et que nous avons plusieurs fois dû doubler. Suivant les performances des voitures ou la compétence des pilotes (conducteurs parfois) le différentiel de vitesse peut être très important. En bout de ligne droite à plus de 200, quand une voiture sort de la pitlane à droite et qu'une autre végète sur la gauche de la piste, il y a peu de dixièmes de secondes pour décider où passer. Idem pour passer à l'intérieur ou l'extérieur quand la voiture de devant semble incertaine. J'entrevois ce que peut être un pilotage en course, au milieu de la meute, où la confiance en des trajectoires rationnelles et prévisibles de l'adversaire sont un élément essentiel.
En fin de matinée, la pluie redouble et des coulées d'eau sur la piste la rendent dangereuse avec des pneus intermédiaires. Philippe décide de faire une pause. La buée sur le pare-brise est éloquente.
Une des personnes présentes se renseigne sur l'entretien de la 430 Challenge. Apparemment, pour une utilisation récréative, il est très limité: pneus et freins suivant l'intensité de l'utilisation, plus une vidange d'huile haut de gamme par an. La voiture étant homologuée FFSA, le moteur est plombé, ce qui empêche toute intervention en profondeur.
Tiziano Carugati fait une apparition surprise dans le box. Hélas, la météo l'a dissuadé de se déplacer en Zonda. Son épouse vient de faire un tour en Caparo T1 et a été fortement impressionnée. Nous nous déplaçons pour voir la bête. En majorité composée de carbone, cette biplace annonce un poids à vide de 550 kg et ses 575 chevaux lui permettent de passer de 0 à 160 km/h en cinq secondes. Les premiers prototypes ont connu pas mal de désagréments au cours d'essai médias mais le problèmes semblent résolus. En revanche, le propriétaire devra passer outre ce drôle de look d'insecte, encore plus laid qu'une Ariel Atom ou qu'une KTM X-BOW.
A midi, je déjeune rapidement sur le pouce. Tout le monde est au restaurant, la pitlane est déserte, j'ai toutes les voitures pour moi. Dommage que je ne puisse pas vous montrer. Cela dit, un de mes plaisirs est de tourner longuement autour d'une voiture, seul avec mon 70-200, en guettant les détails qui mériteraient d'être mis en valeur. Je n'ai pas souvent le temps de le faire mais là, c'était le cas. J'ai choisi la 458 Italia.
Je vous laisse admirer les courbes sublimes de ce bijou.
Un moment comme seules les pauses déjeuner peuvent en offrir à ceux qui jeunent.
Et en effet, pour la plupart des clichés de cette série, j'ai mis le curseur du contraste à fond vers la droite. Il me semble que çà passe bien.
Je tourne ensuite autour de la 430 Challenge
La voiture est discrètement personnalisée
avec casque assorti.
Je chasse la photo originale, tant qu'à faire,
en essayant de mettre à profit cette météo exécrable.
Mes premiers vrais contre-jours:
L'intérieur de la cage:
Celle ci aussi est sympa.
Superleggera!
La pluie se calmant légèrement vers 15h00, Prestige Racing fait sortir deux de ses bijoux: Joël Rivière lui même sort faire quelques tours au volant d'un proto Pescarolo Judd. Le proto a été développé pour l'école de pilotage de l'ACO et cet exemplaire a été récupéré lors de la liquidation de Pescarolo Sport, affaire très complexe sur laquelle je ne m'étendrai pas ici.
Ceux qui connaissent mon opinion sur les barquettes ne s'étonneront pas que je sois beaucoup plus attiré par la 360 Challenge.
L'esthétique du moteur était un peu moins travaillée
mais l'esprit compétition est partout: normal, c'est la finalité de l'engin.
Je n'ai pas trouvé la production totale de cette voiture mais je pense qu'elle est assez faible. En tout cas, on en voit très peu désormais.
Apparemment, un petit coup de main au pilote pour distinguer les palettes de montée et de descente de rapports n'est pas superflu.
Il faut dire qu'il doit déjà y avoir besoin de concentration pour maitriser le pédalier.
Malgré une petite distorsion, le 10-22 est redoutable pour les photos d'intérieur.
Philippe a lui aussi repris la piste. C'est de loin lui qui aura le plus tourné de la journée: dès que la dangerosité de la piste diminuait, il montait dans le baquet et enchainait les tours, ne s'arrêtant brièvement que pour changer de passager et offrir des baptêmes.
A 16h30, je profite de l'un de ses arrêts pour le saluer et le remercier, il est temps pour moi de prendre le chemin du retour. Allez, je vous montre quand même mes montures de la matinée.
Voilà pour ce reportage un peu spécial, avec beaucoup de texte. Je voulais vraiment partager en détail les sensations intenses de cette journée et je remercie vivement Philippe pour son invitation, sa gentillesse et toutes ses explications qui m'ont rendues plus riche. C'était génial!
Puisqu'on parle de passion, j'ai déjeuné hier avec Olivier, que j'avais rencontré à Arc et Senans pour le raid Suisse Paris. Avec un de ces amis, ils m'ont mis l'eau à la bouche en évoquant des collections de miniatures 1/12 et 1/18 très alléchantes. J'espère pouvoir vous en montrer les plus belles pièces avant la fin de l'année mais je dois d'abord fabriquer / acheter une boite à lumière pour faire les choses bien. Cet agréable déjeuner m'a aussi rappelé que la passion automobile peut se vivre de bien des façons: en cherchant ses limites sur circuit, comme Philippe; en étant amoureux de mécanique et en trainant chez les petits artisans, comme Olivier; en profitant des weekends pour aller se balader, comme Fred ou en appréciant et en essayant de capturer la beauté des carrosseries, comme votre serviteur. Un seul point commun qui enrichit mutuellement tout le monde: le goût du partage.
D'ailleurs pour finir je partage avec vous ce superbe dessin de Ian Van Velde, pierre noire & fusain sur papier - 60 X 80 cm, sur la base de ma photo ci dessous. Vraiment superbe !
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Baptême de 599 GTB Fiorano |
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Une journée avec la 430 Scuderia |
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