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Contre toute attente, octobre est un mois assez intense puisque je m'apprête à sortir pour le troisième weekend consécutif. En famille cette fois, pour adoucir un peu le choc. L'exposition 300 km/h est en effet l'occasion rêvée de retourner au Musée de l'Aventure Peugeot. Vous le savez, j'ai un gros faible pour les voitures de course et je suis curieux de voir ce qu'il reste dans les réserves de Peugeot.

L'exposition ne dure que deux semaines (trois weekends en fait) donc il faut viser juste. Nous décidons d'y aller dès le premier jour, le matin, pour avoir le moins de monde possible autour des voitures. Il est donc 10h30 quand nous arrivons à Sochaux. Sur le parking, je retrouve Sylvain, un passionné venu lui aussi avec ses deux enfants. Challenge!

       

Je voyage léger: le 6D avec le 24-105 et le 17-40 en secours dans la besace. Par acquis de conscience, je prends le trépied sur l'épaule.

       

La visite se fait par ordre chronologique, les différentes périodes étant organisées par alcôves. Une grande attention a été réservée aux sols.

       

L'ambiance est assez proche du Musée de l'Automobile de Mulhouse, en plus intime bien sûr.

Sans surprise, je constate rapidement qu'il va falloir accélérer la visite: les enfants sont déjà intenables.

        

Nous coupons directement vers l'endroit où se trouvent les voitures de compétition. De toute façon, c'était l'objectif  principal de la visite.

Il s'agit en fait d'une mezzanine. L'exposition temporaire est au dessus et l'exposition permanente en dessous. Autant dire que c'est l'endroit le moins photogénique du Musée, de mon point de vue. Et hélas, les neuf voitures qui composent le cœur de l'exposition sont rangées sur deux files indiennes. Certes, ça fait genre ligne de départ, course, bla bla bla mais pour les photos, c'est sans doute la pire configuration. Comme à Mulhouse où c'est encore pire puisque la deuxième ligne est carrément contre un mur et inaccessible. Franchement, je pense qu'un rangement en épi est toujours préférable, même s'il rend l'accès à l'arrière des voitures plus difficile, mais ce n'est jamais le point fort d'une voiture de course moderne quoi qu'il en soit.

Sylvain jette déjà l'éponge. Il faut dire que contrairement à moi, il est venu sans babysitter et son dernier a seulement deux ans. Avant de partir, il me présente Laurent Chauveau, co-fondateur du site de référence Endurance-Info et aujourd'hui animateur de l'excellent site 86400 dédié aux 24 Heures du Mans, qui est là pour couvrir l'exposition. Une discussion sympathique s'ensuit, à coté d'un V12 HDI.  

Bien; commençons la visite par les F1, ce sera fait. En 1994, après ses succès au Mans, Peugeot décide de se lancer en Formule 1. Pour des raisons de budget, il s'agira d'un engagement en tant que motoriste uniquement. Une décision qui déplait à Jean Todt dont le projet était une F1 100% Peugeot. L'artisan des grandes victoires du Lion part faire le bonheur de la Scuderia Ferrari. Peugeot s'associe avec McLaren et installe son V10 dans la MP4/9. Senna vient de partir vers Williams et son destin. C'est Hakkinen et Brundle qui vont faire les frais du manque de fiabilité du nouveau moteur. Neuf moteurs sont cassés durant la saison et McLaren ne remporte aucune course pour la première fois depuis 1980. Avec une deuxième place à Monaco et une troisième à Saint Marin, McLaren termine quatrième au championnat des constructeurs. Pour 1995, McLaren adopte le bloc Mercedes-Benz.

       

Peugeot doit donc trouver en urgence un nouveau partenaire pour poursuivre l'aventure. L'écurie Jordan, en délicatesse financière, est d'autant plus heureuse d'accueillir le moteur au lion que celui ci a déjà été payé par McLaren pour les trois années à venir. En 1995, la Jordan 195 est pilotée par Barrichello et Irvine, qui montent tous les deux sur le podium au Canada. Jordan ne termine toutefois que sixième au classement des constructeurs.

       

Je vous laisse admirer les "palettes" de l'époque.

L'année suivante, la Jordan 196 adopte le nez haut. Barrichello et Brundle sont les pilotes de la monoplace dorée. Sans podium, Jordan termine cinquième du championnat et voit ses deux pilotes s'envoler à la fin de la saison.

En 1997, la livrée change radicalement, et ce sont Fisichella et Ralf Schumacher qui sont au volant de la 197. Même si Jordan reste cinquième du championnat, c'est cette fois avec trois podiums et même quelques tours menés à Hockenheim.

       

       

Malgré ces progrès, Peugeot décide de quitter Jordan pour rejoindre une toute nouvelle écurie française: Prost Grand Prix. Un choix hautement symbolique, pour ne pas dire politiquement imposé, qui fait de Prost Peugeot une écurie 100% tricolore, hormis la présence de Trulli aux cotés de Panis. Cette première saison est un calvaire, avec un seul point marqué pour l'AP01. En réalité, Jacques Calvet, le patron de Peugeot, est parti et la marque au Lion a déjà la tête ailleurs. Elle lorgne sur le Championnat du Monde des Rallyes. En 1999, Peugeot s'immisce dans la stratégie de l'équipe et fait écarter Bernard Dudot, ancien de chez Renault. Prost approche Heidfeld dans l'espoir d'attirer Mercedes, en vain. Trulli prend tout de même la deuxième place au Nürburgring, donnant à Prost Peugeot la septième place du championnat.

       

Il faut se rendre à la sortie du Musée pour trouver la dernière F1 à moteur Peugeot, l'AP03 de la saison 2000, pilotée par Jean Alesi et Nick Heidfeld. C'est l'année de la bérézina, L'ambiance entre Prost et Peugeot est exécrable. Prost finance l'écurie sur ses deniers alors que ses concurrents ont tous le soutien de grands constructeurs. Au Grand Prix de France, les employés de Peugeot se mettent en grève durant le warm-up pour protester contre les critiques constantes dont leur moteur fait l'objet. En Autriche, Alesi et Heidfeld s'accrochent. L'écurie termine dernière du championnat. Après avoir essuyé plus de 50 casses moteur dans la saison, le Lion quitte la F1 la queue entre les jambes, consolé toutefois par une couronne mondiale en WRC.

       

Avant l'aventure malheureuse en F1, le V10 Peugeot avait brillé en endurance, dans le châssis en carbone de la 905. Présentée en 1990, la 905 fait un galop d'essai au Mans l'année suivante. Les deux voitures abandonnent assez rapidement, confirmant les dires de Jean Todt qui avait annoncé que Peugeot participait aux "6 Heures du Mans". Après l'Evolution 1 Bis en cours de saison, Peugeot remporte deux doublés en fin de saison. Jaguar et Mercedes s'étant retirés, l'adversaire principal de Peugeot est Toyota. Au Mans, la marque au Lion remporte sa première victoire, avec le châssis EV 1.7 qui porte le numéro 1.

       

       

L'année suivante, les 905 réalisent un triplé, châssis EV 1.2 en tête. En 17 courses, les 905 auront remporté 9 victoires et autant de pôle positions.

       

Voilà donc une première ligne qui a de l'allure, avec deux vainqueurs du Mans. A priori, Peugeot n'aurait conservé que ces deux châssis Evo 1, les plus prestigieux, les autres ayant progressivement vendus à des propriétaires privés.

       

Voici la cellule carbone des 905.

Cela dit, une autre 905 se cache sous la mezzanine. Il s'agit d'une évolution radicale de la 905, surnommée Supercopter.

       

Imaginée pour le championnat 1993, qui n'eut jamais lieu, la voiture n'a fait que quelques tours de roues aux essais officiels de Magny Cours, dernière épreuve du championnat 1992. Elle aurait ensuite servi de voiture laboratoire pour le développement du moteur de Formule 1. On peut noter l'ouverture interne des ailes, qui n'est pas sans rappeler les 908, apparues 14 ans plus tard.

       

Cet exemplaire est le châssis EV 2.2, le deuxième et dernier produit. EV 2.1 avait été vendu aux Invalides en 2011 par Chevau-Légers. Je crois que c'est la seule voiture d'endurance présente ici que je n'ai jamais vue.

       

       

En 2007, Peugeot fait son retour en endurance avec la 908 et son V12 HDI FAP, participant aux 24 Heures du Mans bien sûr mais aussi au Championnat Le Mans Series. La 908 s'impose dès sa première course à Monza, puis dans la foulée à Valence. Entre 2007 et 2011, les 908 d'usine ont remporté 20 des 31 courses auxquelles elles ont participé. Un palmarès exceptionnel peut être éclipsé aux yeux du grand public par quatre défaites face à Audi au Mans. La 908 ici présente, châssis 908-06, s'est pourtant imposée une fois en 2009, et les lionnes ont toujours mené la vie dure à la marque aux anneaux, ne lâchant jamais rien dans des courses souvent passionnantes.

       

       

Hélas, Peugeot a une nouvelle fois quitté une discipline reine par la petite porte. A Genève en 2011, Peugeot présente la 908 Hybrid4, équipée d'un moteur diesel et d'un dispositif électrique à récupération d'énergie. La mise au point semble se dérouler de façon satisfaisante. Mais début 2012, à quelques jours de la clôture des inscriptions en WEC, le championnat du monde d'endurance que Peugeot a tant appelé de ses vœux, la marque annonce brutalement la fin du programme 908.

       

L'argument du constructeur de Sochaux est imparable: alors que la marque va mal et que des plans sociaux vont être mis en œuvre, il serait indécent de continuer à dépenser autant d'argent en sport automobile. Qui pourrait prétendre le contraire. Voici tout de même quelques chiffres glanés sur internet. Le coût du programme 908 était évalué à 75 millions d'euros (par an?) dont 20 pris en charge par Total, soit 55 millions. En parallèle, Citroën avait un budget de 35 millions pour le WRC, dont 15 à la charge directe de la marque (Total et Red Bull mettant le reste). Hormis Total, la 908 n'a jamais eu de sponsor. Cela dit, en 2012, le budget publicité de Peugeot se montait à 353 millions d'euros, faisant du Lion le deuxième annonceur français derrière Renault. Est ce que vraiment le programme 908 méritait d'être sabordé ainsi, alors qu'il aurait été un formidable laboratoire pour l'hybride? Sachant que les voitures de courses sont une source de publicité quasiment éternelle (ce n'est pas Gulf ou Martini qui diront le contraire). Et qu'un éventuel retour devra se faire en repartant de zéro, avec des investissements encore plus importants. Depuis, Peugeot s'est lancé dans des programmes bien moins coûteux mais sur lesquels il devrait être possible de capitaliser tout de même: Pike's Peak et le Dakar.

       

Une autre voiture ayant couru au Mans se trouve en face de Supercopter, la WM P80 qui a terminé treizième en 1981.

L'histoire de WM est intéressante: il s'agit d'une équipe née en 1968 de la volonté de deux cadres de chez Peugeot: Gérard Welter, directeur du style et Michael Meunier, ingénieur. En 1976, c'est le premier engagement au Mans avec la P76 à moteur V6 PRV. En 1980, Peugeot apporte son soutien à ses employés et le nom de la marque apparait sur la carrosserie. La P80 est toujours équipée du V6 PRV poussé à 400 chevaux. En 1988, c'est une WM, la P88 à moteur Peugeot qui établit le record de vitesse au Mans avec 405 km/h, record inscrit pour l'éternité avec les chicanes installées dans les Hunaudières.

       

       

       

Explorons le reste de la mezzanine. Voici l'une des fameuses 405 T16 Pikes Peak, une voiture entrée dans la légende. La plaquette prétend que c'est celle qui a remporté l'épreuve en 1988 avec Ari Vatanen et en 1989 avec Robby Unser. La seconde voiture, celle de Kankunen, serait entre des mains privées donc c'est possible.

       

       

Autre voiture de légende, la 205 Turbo 16 de Timo Salonen.

       

Voici la 307 WRC Evo 2 de Marcus Grönholm, titulaire de deux victoires en 2005 (contre 10 pour Loeb et sa Xsara).

La très belle 106 Maxi de Jacques-Julien Renucci:

Une 204 et une 504 ayant disputé les fameux Safari Rallyes.

       

La 404 diesel qui a battu près de 40 records à Montlhéry en 1965, dont un parcours de 72 heures à 161.5 km/h de moyenne.

Voici une 302 Darl'Mat engagée au Mans en 1937. Au vu de son numéro, il s'agirait de celle qui a terminé huitième.

       

Et la 301 C, qui battit le record des 24 heures à Miramas en 1932, parcourant 2650 kilomètres à 110.4 km/h de moyenne.

Juste à coté se trouve une étagère présentant de nombreux trophées. Parmi eux, ceux des 24 Heures du Mans 2009 et 1993, et du championnat du monde des rallyes 1985

               

Voilà, c'est tout pour les voitures de course. Nous prenons le chemin de la sortie pour calmer les fauves. Bien sûr, il y a des voitures qu'il est impossible d'ignorer.

Je m'attarde un peu sur les concept cars. La BB1 et l'EX1

       

la 607 Féline et la RC Concept

       

le 806 Runabout et Quasar.

       

Et enfin la SR1, qui aurait pu devenir un genre d'Aston V8 à la française. A moins que je ne sois le seul à voir la ressemblance. Mon seul regret est l'absence d'Onyx, mon concept car Peugeot préféré.

Voilà. Une heure de visite, c'est le grand maximum avec les enfants. C'est sûr que je ne les emmènerai jamais à Mulhouse. Pendant que nous mangeons à Sochaux, je reçois une invitation pour passer voir un ami qui habite à Audincourt. C'est l'occasion pour moi de m'installer pour la première fois au volant d'une Lotus Elise. Le dépouillement est assez impressionnant. Effectivement, on voit la légèreté à l'œil nu. C'était un moment très sympa.

La visite était agréable aussi, une rare occasion de voir toutes les voitures les plus rapides de Peugeot en même temps. Je suis très content d'avoir vu EV 2.2. L'année touche à sa fin mais il reste une échéance importante: un voyage à Maranello fin novembre. Alors, restez fidèles!

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